Une piscine au milieu du village !
Pierre Dominique Scheder | Les chats, dit-on, n’aiment pas l’eau. Erreur !
Méfions-nous des proverbes, des racontars et autres «tchatchages». Les gens de Chexbres surnommés les chats aiment, c’est notoire, l’eau. Preuve en est l’épatante piscine qui siège au milieu du village. Oui, Genève a son jet d’eau, Bâle son zoo et Chexbres, sa piscine! Une piscine qui fait «église», bien que son eau ne soit pas bénite. Elle remplace cependant admirablement bien la grande place conviviale de nos cités. Quel bonheur, par exemple, de s’y retrouver pour un apéro ou pour un superbe buffet lors de la fête des mères, le tout orchestré par le merveilleux patron Domenico! Alors, in vino veritas, car à Chexbres, on ne boit pas que de l’eau, les vérités enfouies refont surface. On en apprend de bonnes sur les élus, les hélices, les élites ou les illustres inconnus.
Ici, grâce au bouche à bouche et à oreille on y trouve ou retrouve son chat, ses clés, du boulot ou même l’être aimé: «Où vous êtes-vous rencontrés? Au Paléo, à la déchetterie, au Cully Jazz?» «Mais vous n’y êtes pas du tout… J’ai flashé sur elle à la piscine de Chexbres… Elle allait s’y noyer… J’ai plongé héroïquement… dans son décolleté! Quinze jours plus tard, on se mariait!» Comme à «la table des menteurs» du feu Buffet de la Gare, ici se font les bonnes affaires.
Un point d’eau aussi, où se rassemblent pacifiquement, comme dans la jungle, proies et prédateurs. La guerre de l’eau n’aura pas lieu. Une piscine qui se mue parfois en fontaine ramuzienne où les jeunes gens se giclent en riant, où l’on contemple par instant «la beauté sur la terre», faite femme. Les gosses jouent à la cachette, les garçons et les filles se poussent dans l’eau. De petits requins surgis du fond de notre enfance se font des bouchons, mais jamais méchamment. C’est une eau miraculeuse qui incite à la rencontre, sésame d’un véritable royaume communautaire, où navigue aussi, en pèr’peinard comme sur la grand-mare des canards, une pieuvre gonflable géante qu’escaladent des grappes de gamins: un peu le bateau des copines et copains d’abord!
Sait-on donc qu’un puits de
savoureux mo-
ments existe ainsi au cœur de notre quotidien si souvent entravé par des soucis bassement matériels ? Choses qui comptent certes, mais si peu quand on fait le conte de notre vie. Oui, ici, par la magie d’un simple bonjour ou d’un sourire, se dévoile la bonhomie des heures. «On n’a pas besoin de grand-chose» me dit une dame partageant un pique-nique avec sa famille. L’humanité a urgemment besoin de converser, de se côtoyer, de se raconter, de se regarder et de s’ébrouer…
Mais voilà… toute bonne chose ayant une fin il nous faut «chlore » ce chat-pitre! Alors, «A la revoyance!»… et pourquoi pas à la piscine de Chexbres?