«The Beekeeper and his Son» – Une histoire ordinaire dans la Chine d’aujourd’hui
«The Beekeeper and his Son / L’Apiculteur et son fils» Documentaire de Diedie Weng
Colette Ramsauer | Pour son premier tournage, la réalisatrice Diedie Weng retrouve son village d’origine au Nord de la Chine, avec l’idée d’un documentaire sur les abeilles. Très vite, son intérêt se porte sur le conflit de génération entre l’apiculteur et son fils. Immersion dans le quotidien d’une famille de paysans traditionnelle, entourée de leurs animaux domestiques, dont une oie qui cacarde singulièrement.
Quatre saisons de tournage
Maohu chante une ballade amoureuse pour la caméra. Il a oeuvré comme employé temporaire en ville. Lassé, il est revenu à la ferme familiale. Le film suivra le jeune homme pendant les quatre saisons qu’il passera auprès de ses parents. La famille survit de l’apiculture et de l’élevage porcin (une unique truie). Le père se lamente car les abeilles cherchent à s’en aller: «… et lorsqu’elles sont malades, les médicaments ne font plus d’effets». Universel tourment.
«Fais comme ceci, pas comme cela!»
A 71 ans, il aimerait passer le flambeau à son fils Maohu tout juste 20 ans. Le garçon a la tête ailleurs, et sa mère – comme toutes les mères du monde – le soutient. La tolérance du père, hélas, est loin d’être à la hauteur de son savoir-faire. Mise bas de la truie ou installation d’une bâche… et les disputes reprennent de plus belle. Les «Fais comme ceci, pas comme cela!» agacent Maohu. Les gestes d’apiculteur, il connaît. N’a-t-il pas grandi auprès des ruches?
Quelques scènes chaleureuses
Le jeune homme finit par se mettre à l’ouvrage. Un arbre est abattu. Le bois sert à la construction d’un nouveau rucher que Maohu installe sur un terrain qu’il a aménagé. Les planches les plus longues serviront à fabriquer le cercueil du père. La hantise de fin de vie pèse. Le père se sent usé. Des séquences plus chaleureuses se passent auprès du fourneau où la mère de Maohu prépare les traditionnelles nouilles et où l’on cajole un bambin. La première neige semble apaiser les esprits.
Incertitudes
Grâce à son portable, Maohu est connecté au reste du monde. Il vit une période d’incertitude. Entre vie rurale et industrialisation de la Chine d’aujourd’hui, il se trouve face à un choix: ou s’occuper des abeilles chez ses parents, ou commercialiser leur miel en ville. De plus, Maohu est victime de la politique de l’enfant unique en Chine entre 1979 et 2015. Les hommes sont actuellement trop nombreux. Lui revient à l’esprit un poème chinois évoquant un portail, avec d’un côté des gens qui se battent pour entrer, de l’autre, ceux qui se battent pour sortir. Voilà le printemps. Les abeilles retrouvent nectar et pollen. Le jeune homme ira travailler chez son oncle qui tient un commerce de miel en ville.
Scène étonnante
Cadrage d’images bucoliques et bande originale soft créent le décor au mal-être du père et aux incertitudes du jeune Maohu. Les animaux de la ferme, présents tout au long du film – dont une oie qui cacarde singulièrement – révèlent leur sensibilité aux tensions des humains. En fin de tournage, la caméra s’attarde sur une scène étonnante d’un jeu entre le chien et l’oie. Puis du vieil homme, sa main plongée dans un essaim frémissant de la ruche: «Voyez la reine, elle est née hier et déjà elle a ses gardes du corps». A chacun son combat!
Au cinéma d’Oron, demain vendredi 20 avril à 20h
Ciné-Doc, le rendez-vous régional et mensuel du film documentaire, par huit fois depuis septembre 2017, a permis aux gens de notre région de vivre quelques beaux moments de cinéma. Pour mémoire «Alptraum» en septembre qui a fait salle comble. «Passion Alaska» en décembre a nécessité une deuxième séance le même soir. Les films proposés par Ciné-Doc sont l’écho d’un engagement pour un monde meilleur de Justine Duay et Gwennaël Bolomey.
Trois questions aux deux protagonistes
CR: Comment est né Ciné-Doc ?
GB: Au départ, il y a la démarche de deux Combiers, Ysaline Rochat et moi-même. Nous travaillions au Festival Visions du réel à Nyon où nous passions nos journées entières à voir des films magnifiques. Malheureusement, ces documentaires atteignaient rarement les salles de cinéma et encore moins celles des campagnes dont la nôtre dans notre village
d’enfance, à la Vallée de Joux. D’où l’idée de Ciné-Doc,
né en 2016.
CR: Selon quels critères faites-vous le choix des films?
GB: Le programme présente des documentaires d’auteurs qui proposent un point de vue original sur le monde. Aujourd’hui, avec ma collaboratrice Justine Duay, nous tâchons de trouver un équilibre entre coups de cœur, sujets variés et possibilités d’inviter les cinéastes pour des discussions. Pour le film «Nothingwood» à la Vallée, nous avons invité des émigrés afghans à la projection.
CR: Aurons-nous la chance de vous retrouver cet automne à Oron?
GB: C’est bien probable! Et en plus des salles actuelles de la Vallée de Joux, Orbe et Oron, nous prévoyons d’étendre notre programmation à d’autres salles régionales.
La saison prendra fin en mai avec trois courts-métrages de jeunes réalisateurs romands, dont Jonas Scheu, habitant de Palézieux. CR