Une farce sans pitié
Un roi cruel demanda à un sage : « quel est l’acte le plus pieux. » Ce dernier répondit: «Pour toi, c’est faire des siestes pendant la journée pour que le peuple puisse respirer.» Ces vers du géant de la poésie persane du XIIIe siècle, Saadi, expriment bien l’enjeu de cette pièce que nous fait découvrir l’Atelier-Théâtre de Chexbres.
Pierre Dominique Scheider, Chronicœur de Chexbres | Cette farce sans pitié de l’auteur iranien Gholam-Hossein Sa’edi, mise en scène par Ariane Laramée et jouée avec naturel par cinq chouettes femmes, Nadine, Mireille, Christine, Michèle et Catherine, qu’on avait déjà applaudies dans leur Molière, «La Jalousie du Barbouillé», est accessible à tous dès 7ans (accompagné par un adulte). Voici la trame de leur nouveau spectacle: Le gouverneur tyrannique d’un pays lointain se réveille d’une humeur exécrable. Il n’a pas assez dormi. Pire encore, il a des insomnies. Son serviteur et bourreau est sommé de lui donner une explication. Mais il ne sait pas pourquoi et répondre à un tyran est toujours chose délicate. Sa majesté est à prendre avec des pincettes. Faut faire gaffe à ce qu’on dit car on risque sa tête à tout moment. Le bourreau lui suggère alors, pour se soulager, d’arracher un œil à quelqu’un et de trouver une bonne raison à cet acte. Il faut bien que quelqu’un paie! Et on se passe la faute comme une patate chaude! Une esthétique orientale pour un propos universel. En effet, « comment encore s’endormir quand le monde crie et chavire», me disait mon amie. Comment rester serein en ce monde dirigé le plus souvent par des dictateurs, des despotes élus ou autoproclamés? Car la question doit aussi se poser chez nous, même si l’on peut encore sortir dans la rue sans le risque de se faire canarder, même si l’on peut touiller en toute impunité dans les comptes des ministres. Il est bon et nécessaire d’aborder ces aspects cruels de notre humanité à l’aide du mythe, de la fable, du théâtre et par-dessus tout avec humour. Les enfants le font tout spontanément. Ils sont les bienvenus en famille lors des séances de 17h, les 24 et 25 mars. Nana Mouskouri, qui a chanté courageusement sous diverses dictatures, nous propose d’observer les gens avant et après le spectacle. Si la représentation est bonne, on découvre les visages transformés. Oui, l’art agit sur notre personne et la fait grandir. Allons voir cet «Œil pour œil.» Il ouvre le regard sur une réalité fantasmagorique qui nous aide à mieux comprendre notre humanité comme l’exprime le pétale de pavot de l’affiche, «fragilité humaine et œil perçant!» Persan et captivant comme un conte des Mille et Une Nuits!
«Œil pour œil» par l’Atelier-Théâtre de Chexbres – Caveau du Cœur d’Or à Chexbres Les 22 et 23 mars à 20h et les 24 mars et 25 mars à 17h.
Réservations conseillées, 021 946 48 30.