Une bonté qui germe dans le cœur est une force pour chaque être humain
Gérard Bourquenoud | Lorsque l’on se reporte au temps de notre jeunesse, nous sommes la plupart d’entre nous émus à la pensée de ce qui nous a été donné par ceux auprès desquels nous avons vécu. Aujourd’hui, nous réalisons le peu que nous avons fait pour les en remercier. Combien d’entre eux ont disparu sans avoir su à quel point leur bonté et leur indulgence nous ont aidés à vivre. Plus d’une fois, dominés par l’émotion, nous avons prononcé à voix basse sur une tombe les paroles qu’il aurait fallu dire à un être vivant.
Nous n’avons pourtant pas l’impression d’avoir été ingrats; mais jusqu’à notre majorité et au-delà, nous avons peut-être trop peu compris la nécessité d’exprimer cette reconnaissance à ceux auxquels nous la devons. La bonté s’est révélée à l’époque même où la souffrance humaine a commencé à nous préoccuper.
Comme chacun a fait son expérience personnelle, nous sommes persuadés qu’il n’y a pas autant d’ingratitude qu’on le pense dans ce monde. Si nous faisons l’effort de leur rendre ce qu’ils nous ont donné, il y aura plus de soleil dans le cœur et plus de force pour le bien. Que chacun de nous bannisse ces théories amères qui ne font que nous éloigner les uns des autres. Soyons nous-mêmes des sources vives et apprenons à trouver le chemin de la générosité, de l’attention et de la compréhension. Cela nous est parfois caché, telle une force mystérieuse invisible. De temps à autre, nous en apercevons une étincelle et cela nous empêche de nous décourager à faire le premier pas. D’ailleurs, les rapports entre les hommes ne sont-ils pas infiniment plus confidents ou mystérieux que nous ne le pensons d’habitude ? Aucun être humain ne peut en effet affirmer qu’il connaît à fond un autre être humain, même s’il vit quotidiennement avec lui.
Ce qui constitue notre vie intérieure ne peut être communiqué que par des bribes, même à notre plus intime ami. Nous marchons dans une pénombre qui nous empêche de voir clairement le visage des uns comme des autres. Un sourire ou une bonne intention peut parfois être le témoignage d’une lettre qui exprime des sentiments et qui peut, subitement, éclairer le visage de l’autre.
Se connaître ne veut pas dire tout savoir l’un de l’autre, mais avoir l’un pour l’autre de l’amour et de la confiance, ou même seulement de l’amitié. Vouloir à tout prix analyser l’âme d’un être humain est une action qui manque de noblesse, à moins qu’il ne s’agisse de rendre service à un malade égaré mentalement. Il existe une pudeur morale tout aussi nécessaire que la pudeur physique: nous devons la respecter.
Personne ne doit se forcer à extérioriser sa vie intérieure plus que cela ne lui est naturel. La seule chose qui importe, c’est le rayonnement de notre âme; c’est par lui que nous arriverons à nous connaître.
Le Dr Albert Schweitzer disait: «Ce que l’homme sème de bonté germe dans le cœur et la pensée des autres.»