Un florilège d’estampes en couleurs au Musée Jenisch
Pierre Jeanneret | Voulez-vous tout savoir sur l’art de l’estampe? Cela tombe bien, car l’exposition veveysanne présente d’abord un aspect informatif, voire didactique. On y apprend que ce procédé, né en 1796, est lié à l’invention de la lithographie. Celle-ci repose sur la répulsion mutuelle de l’eau et des corps gras. Une lithographie en couleurs est obtenue par plusieurs passages sous la presse. On peut d’ailleurs voir un certain nombre d’estampes dans leurs états successifs, avec les retouches de couleurs demandées par les créateurs, comme «remettre du rose»…
Mais le plaisir du visiteur sera surtout esthétique! Car il aura l’occasion d’admirer les oeuvres de très nombreux artistes célèbres, dont nous ne pouvons bien sûr énumérer tous les noms. L’accent est mis sur la deuxième partie du XIXe siècle, qui fut l’âge d’or de la lithographie. Mentionnons notamment l’album Amour de Maurice Denis, qui y exprime son bonheur familial avec son épouse Marthe, dans une perspective catholique assez mystique. Mais on y trouve aussi des estampes de Renoir, de Signac, Cézanne, Vallotton et bien d’autres. Remarquons que la lithographie, moins éclatante que la peinture à l’huile, convient particulièrement à l’art intimiste d’un Bonnard ou d’un Vuillard, avec leurs scènes d’intérieur sous la lampe. Une salle montre la profonde influence du «japonisme», très à la mode à la fin du XIXe siècle. Les artistes européens ont en effet beaucoup admiré Hokusai et Hiroshige, notamment leurs représentations du Mont Fuji.
Mais le procédé de la lithographie a trouvé son expression la plus populaire, à la fois commerciale et artistique, dans l’affiche. Le grand maître en fut Henri de Toulouse-Lautrec. A travers ses affiches, comme le célébrissime Divan japonais, il a magnifiquement représenté ce monde interlope des cabarets montmartrois comme le Moulin-Rouge, dans lequel il se sentait si à l’aise, entre deux verres d’absinthe et deux femmes aux moeurs légères… Les visiteurs qui ne connaîtraient pas le Musée Jenisch ne manqueront pas, à l’étage, la salle réservée à Oskar Kokoschka (1886-1980), ce peintre expressionniste d’origine austro-hongroise dont Vevey possède la plus importante collection au monde. On passera aussi un moment devant la collection permanente du musée, qui renferme, entre autres, une belle série de Hodler.
«Vertige de la couleur. L’estampe en France à la fin du XIXe siècle», Musée Jenisch, Vevey, jusqu’au 1er octobre.