Quelles… limites ? … Pour le sportif s’entend !
Pierre Scheidegger, Panathlon-Club Lausanne | C’est une question! Quelles sont, ou plutôt où se trouvent les limites «possibles» de l’homme, de la femme en ce qui concerne leurs capacités sportives? Qui ne s’est jamais posé cette question au regard d’une compétition ou à la lecture de résultats sportifs dans les médias?
Certainement personne, ou alors si peu… vraiment sincères. Généralement, ce n’est pas de la curiosité, bien au contraire, mais souvent, tout simplement de l’incrédulité. Incrédulité qui nous laisse parfois perplexe en regard des capacités physiologiques de l’être humain qui semble avoir atteint ses limites. Du moins on peut le penser!
Il est vrai, sans revenir sur le dopage, la modernisation des entraînements, le matériel et les apports nutritionnels aptes à l’amélioration des résultats en tous sports, on peut se soucier d’une réalité, à savoir si nos tendons, muscles, poumons et système cardiaque peuvent être sollicités à l’infini, tout en se posant néanmoins la question si la diversité «raciale» a livré tous ses secrets.
Etrange évolution
Il semblerait, selon bien des spécialistes, que l’homme aurait atteint le 99% de ses possibilités physiologiques. Lors des premiers Jeux olympiques, ce dernier n’en n’était approximativement qu’à 70%. En exemple, le record du saut en hauteur rendait 64 cm à l’actuel qui se situe à 2m45 et le saut en longueur a progressé de 40%. Aujourd’hui, le vainqueur du 100 mètres serait relégué à plus de 20 mètres du record d’Usain Bolt!
Cette réalité peut nous laisser rêveurs
En clair, il ne resterait plus que 1% de marge de progression qui ressort d’une analyse de près de 3300 records du monde dans cinq sports olympiques, soit athlétisme, natation, patinage de vitesse, cyclisme et haltérophilie. Et ceci depuis 1896! Soit cent vingt ans… Même si les voies métaboliques que nous connaissons grâce à la médecine sportive tels l’effort explosif, de course de longue distance, voire de force où les groupes musculaires, tendons esquissent toujours inlassablement ce souci: Quel est le «plafond» des capacités physiques du sportif, de l’être humain?
C’est à nouveau une question.
En acceptant que depuis les années septante la marge de progression des records n’a cessé de se réduire malgré tous les apports modernes, sans que rien n’ait pu inverser cette tendance, on peut facilement se demander si dans un proche avenir on s’extasiera sur des records au millième de seconde, voire au gramme pour les sports de force!… Il est vrai que cette tendance est quasi inéluctable malgré l’augmentation de la taille de l’être humain, l’avènement de certaines populations africaine ou asiatique et n’oublions pas que dès 1960, alors que les pistes d’athlétisme étaient en terre battue, dite de cendrée, furent remplacées par des revêtements synthétiques faisant bénéficier les pieds d’un retour d’énergie de plus de 60%. Que penser également de l’avènement du saut à la perche en remplaçant les perches métalliques par la fibre de verre favorisant très rapidement une progression de près d’un mètre aux sauteurs? N’oublions pas cependant que plusieurs «interdictions de gadgets» furent décidées par les fédérations concernées, telles les semelles compressées pour les sauteurs en hauteur, les javelots «flottants» et autres combinaisons pour les nageurs. C’était un bienfait!
Mais voilà !
Le corps n’est pas une machine et son cerveau ne peut tout accepter! Si le sprinter encaisse à chaque appui l’équivalent de 4 à 5 fois son poids, le sauteur en longueur résiste lors de l’impulsion à des chocs trois fois plus violents et le tendon d’Achille supporte une tension énorme de près de 900 kg. N’oublions pas par exemple que le geste, l’angle précis que l’athlète donne lors de son impulsion au saut en longueur tout en respectant sa vitesse d’élan de près de 10 mètres seconde est la résultante d’études biomécaniques que le sportif doit «imprégner», non seulement dans son organisme mais également par son psychisme. Ce n’est que la masse et la fréquence des entraînements, la répétition sans faille du geste qui autoriseront l’adaptation du corps aux plus hautes performances, tout en sachant que le sportif est également tributaire d’une relation très importante entre son corps qu’il sollicite et l’acceptation de son… cerveau. Cerveau qui peut devenir son principal «ennemi» sachant que, à partir des informations qu’il reçoit, le système nerveux central régule les efforts… sportifs de façon à limiter les surcharges au niveau du squelette, des tendons, muscles et autres parties du corps.
Dépassant cet avertissement, l’accident est quasi inévitable!
De fait, l’entraînement scientifique, le recours aux neurosciences, la «super gestuelle» de principe informatisée en sont à leurs balbutiements mais, très rapidement, le sportif devra de plus en plus se soumettre à cette «modernité» dont les pensées, les victoires et les amertumes ne feront plus mystère. Plus vite, plus haut, plus fort… mais à quel prix ?