Quand le biopic ternit la légende
« Bohemian Rhapsody », un biopic dramatique de Bryan Singer
Colette Ramsauer | Considérée par certains comme la meilleure chanson du XXe siècle «Bohemian Rhapsody», emblématique de la créativité du groupe rock Queen, sert de titre au biopic de son chanteur Freddie Mercury. Un quart de siècle après sa mort, personne ne s’était aventuré à toucher au mythe du personnage. En brossant son portrait, le réalisateur américain Bryan Singer retrace le parcours du groupe, de sa formation jusqu’à son apparition au concert mémorable Live Aid en 1985. Il en fait un film de qualité très moyenne. La star du rock britannique méritait mieux.
Casting douloureux
Bien que l’acteur Rami Malek se donne à fond dans le rôle, on se dit qu’il eût mieux fait de ne pas toucher au mythe de la star. Considérant, comme on l’apprend sur la toile, que le casting fut douloureux, un véritable casse-tête, et que le réalisateur a quitté le plateau avant la fin du tournage, on peut imaginer qu’un climat de mésentente a pu également nuire au film préparé depuis des années. De plus, les polémiques vont bon train actuellement sur le harcèlement sexuel dont est accusé Bryan Singer. Ainsi en va-t-il malheureusement de la santé d’un certain cinéma.
Un Pârsî londonnien
Il s’appelait Farrokh Bulsara. Fils d’un fonctionnaire britannique d’origine indienne, il est né en 1946 au Zanzibar (Tanzanie actuelle). A l’âge de sept ans, ses parents membres de la communauté Pârsî de religion zoroastrienne, le placent dans un internat à Panchgani (sud-est de Bombay) où très tôt on découvre ses talents de musicien et de sportif. Là, il apprend le piano et remporte le titre de champion de tennis de table de l’école! Déjà, il était fait pour la scène. En 1964 (il a 18 ans), avec sa famille contrainte de quitter le Zanzibar, il se retrouve à Londres. C’est à ce moment que le scénario du film le rattrape lorsqu’il rencontre Brian Harold May et Roger Taylor, respectivement les futurs guitariste et batteur du groupe Queen. Le groupe est définitivement formé en 1971 avec l’arrivée du bassiste John Deacon. Leur ascension est fulgurante, dès la sortie de leur premier album au nom éponyme Queen en 1973 qui sera un succès planétaire.
Artiste universel
Pas mégalo, généreux de nature, il ne pensait qu’à se donner au public. Sa gestuelle de scène et sa voix aux tessitures de ténor le rapprochaient du chanteur d’opéra. Parmi les concerts filmés en héritage: celui qui conclut le film, Live Aid au stade de Wembley un jour de juillet 1985, ou encore avec Montserrat Caballé à Barcelone en 1988. Derrière son charisme intense sur scène, devant des milliers de spectateurs de la planète, se cachait l’artiste avec ses fragilités. Si Freddie Mercury resta longtemps muet sur son homosexualité et sa séropositivité, le biopic de Bryan Singer s’attarde trop sur ces faits plutôt que de célébrer l’artiste universel qu’il était. L’histoire du groupe et de leur musique reste néanmoins passionnante.
«Bohemian Raphsodie» USA 2018, vost, 135 min, Biopic, Drame de Bryan Singer, Avec Rami Malek, Lucy Boyntona et Aaron McCusker – Sortie 31 octobre
Des fleurs à Montreux
CR | A Montreux en 1978, le groupe enregistrait l’album « Jazz » dont le titre Bicycle Race… avait déjà une longueur d’avance sur la mobilité douce! Fasciné par l’endroit au bord du Léman, où il disait trouver une paix de l’âme, le chanteur décida de s’y établir. Il mourra d’une pneumonie en 1991 à Londres. Il est incinéré au Kensal Green Cemetery selon la tradition zoroastrienne. L’emplacement de ses cendres que jusqu’à récemment seule Mary Austin, son amour de jeunesse connaissait, a été dévoilé par la suite. A Montreux, la statue de bronze érigée en 1996 en sa mémoire face au lac est constamment fleurie par des fans nostalgiques.