Père Noël bien distrait…
Thierry Ott | Il était une fois, dans une lointaine contrée d’outre-mer, un père Noël au visage mafflu et à la bedaine douillette. Malgré que sa tâche ne l’occupât qu’un jour par année, cet homme n’eût pu s’imaginer vivre sans le plaisir d’effectuer sa tournée des foyers, dans la nuit du 24 au 25 décembre.
Ce grand moment, prémices de gaieté, était enfin revenu. Mais ce soir-là, le père Noël éprouvait un trac inaccoutumé. Quelque grande que fût sa joie de revêtir à nouveau sa houppelande rouge incarnat, il ne se sentait pas dans son assiette. Comme il lui restait quelques minutes avant qu’il dût se mettre en route, il décida d’aller calmer son angoisse au café voisin.
Il entra. Pas un chat. La serveuse ne s’est pas rendu compte tout de suite de sa présence. Mais quand elle l’aperçut, elle décela instinctivement son désarroi. Elle prit une bouteille de rhum et deux verres, puis vint s’asseoir à ses côtés. Sans qu’ils échangeassent une parole, ils trinquèrent.
Bientôt toutefois, minuit sonna. Le père Noël sursauta. Auprès de la belle et de la fiole, il n’avait pas vu le temps passer! Bien que la situation n’eût rien de drolatique, elle ne lui sembla pas dramatique. Tout fringant, mais un peu éméché, il fila. De mémoire de père Noël, jamais tournée ne fut si rondement menée!
Le 25 à l’aube, la petite Jeannette bondit hors de son lit. Sous le sapin, son présent l’attendait. Tout excitée, l’enfant ouvrit le paquet … et demeura abasourdie devant l’objet qui apparut : un dentier ! Au même moment, dans l’appartement voisin, la surprise du vieux Paul, chauve et édenté, n’était pas moins extrême. Il venait de découvrir son cadeau : une toupie !
Ce matin-là, toute la ville fut en émoi. Quand il s’était mis en route, au milieu de la nuit, le père Noël avait certes retrouvé toute sa bonne humeur, mais pas tous ses esprits. Et c’est allégrement, mais bien inconsidérément, qu’il avait distribué ses colis ! »