Ode à nos aînés
par Arvid Ellefsplass | Beaucoup se souviennent d’un temps où 3 générations vivaient sous le même toit, où cohabitaient les hyper-actifs-pas-encore-actifs, les actifs et les anciens-actifs. La communication était monnaie courante, pas toujours aisée il faut le reconnaître, mais l’accès à un certain savoir, la transmission de certaines valeurs ou simplement d’histoires se faisait autour de la table de la salle à manger ou au coin du feu. Le partage s’effectuait de manière naturelle sans interface spécialisée ou prise de rendez-vous.
Le progrès des années 50, l’évolution sociale du XXe siècle et la technologie actuelle sont passés par là, et font maintenant irrémédiablement partie de notre bagage, qu’on le veuille ou non. Le propos ici n’est pas de mélancoliser sur un c’était-mieux-avant où de laisser libre cours au vieux réac qui sommeille en nous, mais de questionner notre rapport au temps dans un monde ou la vitesse est devenue un but en soi. Un nombre important de personnes sont abandonnées au bord du chemin au titre de dommage collatéral pour le bien du plus grand nombre… Mais est-ce bien pour le profit de tout un chacun ou ne serait-ce plutôt que pour celui d’un petit nombre de happy-few?
Tout particulièrement délaissés sont ceux qui incarnent notre savoir-faire et notre mémoire, nos vieux qui s’excusent parfois de n’être pas plus loin, et écoutent la pendule qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, et puis qui les attend…
Régulièrement les médias nous en vantent la santé, différencient le 3e du 4e âge, et s’extasient devant la population croissante de centenaires, malgré tout relégués dans des institutions ou des quartiers spécialisés. Trop rares sont les occasions où ces sources incontestables de savoirs et de sagesses sont questionnées ou remises au centre du village.
Nous avons rendez-vous. D’une façon ou d’une autre le savoir-faire d’un ancien typographe ou d’un vieil historien à la retraite nous apportera un éclairage bienvenu sur certains faits – triviaux ou mondiaux – que nous aurions oubliés dans notre course au bonheur. «Un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle» disait un ethnologue malien… Je n’aime pas brûler les livres!