“L’opéra” – Navire dansant chantant
«L’Opéra», un documentaire de Jean-Stéphane Bron
Colette Ramsauer | Le réalisateur suisse a posé sa caméra dans les espaces du célèbre Opéra Garnier-Bastille, saisissant les atmosphères des coulisses, répétitions, loges d’artistes, bureaux administratifs, hall d’entrée, salle de repassage. Quasiment partout. De cet univers clos et bouillonnant, il relève prioritairement les aspects humains, sociologiques et politiques. Son regard par la fenêtre s’égare par moments sur les toits de Paris.
Ouverture sur le monde
Première séquence, le lever du drapeau tricolore sur un air grandiose de Wagner au sommet de l’édifice Garnier a toute sa signification. L’aventure du documentariste pouvait commencer. Jean-Stéphane Bron fait ressentir d’emblée l’ouverture sur le monde d’un univers fermé, les coulisses du bel canto et du pas de deux. Allant à la rencontre d’artistes, danseurs, chorégraphes, chanteurs, chefs d’orchestre, choristes et de régisseurs, metteurs en scène, décorateurs, habilleuses, fonctionnaires culturels, bref, tous ceux qui font que l’opéra existe, que le spectacle aura lieu, souvent dans l’urgence, toujours à la recherche de la perfection. La rigueur, encore la rigueur. Il suit l’adaptation d’un jeune talent, baryton basse, arrivé du fond de l’Oural comme il s’attarde aux répétitions de musique qu’offre l’Institution, dans une approche humaniste, à des enfants défavorisés.
Un taureau sur la scène
L’urgence dans ce monde est parfaitement maîtrisée lorsqu’on attend la visite du chef d’Etat, que le directeur expose la délicate situation financière, que le ténor tombe malade à la veille du spectacle ou encore qu’est attendu sur scène un symbole vivant, statique: un taureau adulte, une tonne! Dans l’oeil protubérant de l’animal, le cinéaste a perçu en miroir le chef d’orchestre dans la fosse. Par la fenêtre, il caresse les toits de Paris, capte une manif sur place Bastille. Tout n’est pas équitable dans le pays de l’hexagone, a priori dans les métiers du spectacle. Stéphane Bron a dû accepter que des esprits chagrins, lésés dans leurs statuts, ne participent pas à son aventure.
Artiste parmi les autres
Il n’assied pas le spectateur face à la scène, ne cherche pas non plus à lui apprendre le nom des grandes oeuvres lyriques. Sur ce navire dansant, chantant, voguant au rythme des grands compositeurs, Jean-Stéphane Bron est un artiste parmi les autres. Il a ressenti les situations, les moments à ne pas manquer, vécu les impondérables et l’insolite, observé dans l’étonnement et l’émerveillement. Avant le tournage, il ne connaissait rien à l’opéra. C’est là probablement le secret de sa réussite.
L’Opéra
Documentaire de Jean-Stéphane Bron, Suisse-France, 2016, 110’, vf, 6/12
Au cinéma d’Oron les 22 et 24 avril à 20h
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