Les jeunes et le troisième âge
Gérard Bourquenoud | Le problème que nous soulevons aujourd’hui pourrait bien remuer les esprits dans l’une ou l’autre famille de chez nous, en particulier dans les chaumières paysannes. Nous voulons parler du problème des parents âgés vivant avec leurs enfants. De jeunes agriculteurs nous ont dit combien il est difficile de vivre avec des gens du troisième âge qui ont gardé une certaine autorité sur leur fils qui a repris l’exploitation du domaine, ou de la fille qui est restée à la maison paternelle, parce qu’elle n’a pas encore trouvé l’homme de sa vie ou qu’elle n’a pas l’intention de quitter ses parents, ni la ferme.
Que la situation est parfois pénible pour un jeune couple qui a repris l’exploitation ou l’entreprise, qui s’entend parfaitement bien, mais dont l’humeur des parents ne permet de sourire qu’en cachette ou ailleurs qu’au foyer. Les nerfs ne tiennent souvent plus le coup, l’entente n’est plus possible entre parents et enfants, tout le monde doit se soigner. Et pourtant il existe des familles paysannes ou d’autres possédant une entreprise, qui sont un exemple par les contacts très étroits entretenus entre parents et enfants au quotidien. Je me souviens avoir été invité il y a quelques années dans une famille d’agriculteurs dont les parents étaient octogénaires et avaient décidé de confier le domaine à un de leurs onze enfants. Une rencontre familiale qui s’est déroulée dans une ambiance très chaleureuse et conviviale. Ce qui, aujourd’hui, est rarement le cas.
Certains spécialistes du social et de la famille pensent que c’est une erreur de vivre avec les parents dans la même ferme ou maison d’habitation. Si chacun peut se mettre à l’aise, alors tout ira beaucoup mieux pour tout le monde. Avec l’AVS, bon nombre de parents s’en vont prendre un peu de repos dans une petite maison qu’ils ont acquise par leur travail, d’autres par obligation, vont vivre dans un home ou un EMS. Mais il y a ceux qui ne veulent pas quitter la ferme où ils ont vécu toute leur vie. C’est compréhensible dans un sens. Il y a également des personnes âgées qui ne peuvent pas s’habituer à une nouvelle vie solitaire en dehors du foyer des jeunes. Il est évident qu’ils sont plus à l’aise de vivre à la ferme ou leur maison que dans un home et ont ainsi toujours quelqu’un à disposition pour les conduire chez le médecin et de les entourer en cas de maladie ou accident. Et cela est beaucoup moins onéreux que dans les homes qui sont devenus presque des hôtels pour écouler leur retraite.
La lettre d’un jeune couple nous explique que l’initiative de quitter la maison ou la ferme appartient uniquement aux personnes âgées. Celles-ci doivent se rendre compte que leur place n’est pas nécessairement dans l’appartement loué par leurs enfants qui ont en plus de la progéniture. Cela est une chose. Allez dire aux parents ou grands-parents qu’ils n’ont pas à s’occuper de l’éducation des gosses, de l’organisation de l’entreprise ou de l’exploitation! Ce sont là des sources de conflits continuels. Nous admettons que c’est un peu dur de parler ainsi, mais voyons la réalité en face.
Un jeune homme qui vient d’accomplir son école de recrues, nous a écrit pour nous dire que jamais il ne vivra avec ses parents lorsqu’il sera marié et qu’il aura des enfants. Il a peut être raison. Un bon père de famille nous a d’autre part avoué que c’était aux enfants de s’établir ailleurs. Est-ce la bonne solution?
Si vous en voyez une autre pour rendre heureux les enfants mariés qui vivent avec leurs parents, n’ayez crainte de nous faire part de votre point de vue dans votre journal préféré. C’est bon pour le moral et le dialogue entre les générations. Votre proposition pourrait éventuellement éclairer bien des personnes âgées et même les jeunes dont la plupart ont encore beaucoup à apprendre.