Les «années Jacqueline» de Picasso
Pierre Jeanneret | Les deux dernières décennies de Pablo Picasso (1954-1973) sont celles qu’il a passées avec l’ultime de ses nombreuses compagnes, Jacqueline Roque. Le maître est alors au sommet de son art. Cette période constitue une sorte de synthèse de toute son œuvre. On y retrouve le cubisme, le néo-classicisme, l’orientalisme (avec de très belles toiles aux couleurs flamboyantes représentant Jacqueline en costume turc), la présence quasi obsessionnelle du Minotaure, les collages qui rapprochent Picasso et Matisse, ces amis et rivaux, ou encore la colombe de la Paix. Les portraits de Jacqueline, son égérie, sa muse au port altier, aux traits méditerranéens, exprimant à la fois gravité et douceur, font songer à Goya ou Manet. Ils attestent la volonté de l’artiste de s’inscrire dans la grande tradition picturale. C’est cela aussi qui l’amène à se confronter aux grands maîtres du passé. Il «réécrit» donc avec son style Les Femmes d’Alger de Delacroix, Le Déjeuner sur l’herbe de Manet ou Les Ménines de Vélasquez. Ce face-à-face est saisissant.
L’exposition présente aussi un beau choix de céramiques, un art qui a occupé une grande place dans la vie de Picasso dès les années 1940. De simples plats ou vases, il tire tout un bestiaire. Il s’est essayé encore à la sculpture, en découpant de la tôle pliée. Qu’est-ce que ce génie en état d’inventivité permanente n’a pas fait ?… Jacqueline, photographe de talent, a illustré de nombreux aspects de sa vie de couple ou de l’activité du créateur. On peut voir un florilège de ses clichés à Martigny. L’exposition est aussi un hommage à cette jeune femme pleine de dévotion envers l’un des plus grands artistes du 20e siècle. Il y a trente ans en effet, en 1986, ne pouvant plus supporter la séparation d’avec l’homme de sa vie, elle se donna la mort. Une exposition à ne pas manquer ! Avant une délicieuse promenade dans les jardins de la Fondation, ornés de nombreuses sculptures…
«Picasso. L’œuvre ultime. Hommage à Jacqueline», Martigny, Fondation Pierre Gianadda, jusqu’au 20 novembre.