Le renouveau de la tapisserie
Pierre Jeanneret | Certains de nos lecteurs se souviennent peut-être des Biennales de la tapisserie qui, de 1962 à 1992, avaient fait de Lausanne la capitale mondiale de cet art. Au contraire des fresques, les tapisseries ont toujours été amovibles. Les comtes de Savoie les emportaient avec eux de ville en ville, les rois de France de la dynastie des Valois d’un château à l’autre sur les bords de la Loire. En 1960, Le Corbusier écrivait: «Ce mur de laine qu’est la tapisserie peut se décrocher du mur, se rouler, se prendre sous le bras à volonté, aller s’accrocher ailleurs.» D’où le nom donné à l’exposition: «Tapisseries nomades». Cela, c’est l’aspect séculaire et pérenne de cet art.
Celui-ci a cependant connu une profonde mutation dès les années 1960, et c’est cette révolution dans l’art de la tapisserie qu’illustre le musée de Rumine, à travers une série de pièces magnifiques provenant de la Fondation Toms Pauli. D’abord, les artistes renoncent à imiter la peinture. Ils réduisent nettement la palette des couleurs. On le voit bien dans les tapisseries de Jean Lurçat – le grand rénovateur de cet art – qui crée des motifs stylisés aux couleurs vives. Et puis on recourt à de multiples matériaux: la laine, bien sûr, mais aussi le coton, le sisal, le chanvre, le crin de cheval, l’osier, le bois, les fils métallisés… Les pays de l’Est européen, notamment la Pologne, ont joué un grand rôle dans ce renouveau. Magdalena Abakanowicz, dont on peut admirer deux œuvres monumentales, est la plus célèbre de ces artistes.
Mais la révolution la plus importante de cet art est que la tapisserie quitte le mur. Elle ne reste plus plane. Elle devient tridimensionnelle et véritable sculpture de tissu. A titre d’exemple, la délicate composition du Japonais Machiko Agano, faite de soie et de bambou. Mais laissons les visiteurs découvrir ces œuvres, arborant souvent des couleurs superbes, et provenant tant d’Europe que d’Amérique ou d’Asie.
«Tapisseries nomades. Fondation Toms Pauli – collection XXe siècle», Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, jusqu’au 29 mai (entrée libre).