Le manchot du Cap
par Luc Grandsimon | L’espèce présentée au Tropiquarium est le manchot du Cap (Spheniscus demersus); cette espèce vit le long des côtes des océans Atlantique et Indien de l’Afrique australe. Il mesure une soixantaine de centimètres pour un poids de 4,5 kg. Son corps est recouvert de petites plumes étanches. Les manchots ne volent pas contrairement aux pingouins.
Ce sont malheureusement des animaux en voie de disparition: en 1930, on en dénombrait plus d’un million, alors qu’on les estime maintenant aux alentours des 60’000 individus.
Un massacre «méticuleux»
«Il y a en tout quatre grands facteurs responsables de cette baisse de la population des manchots du Cap», explique le directeur, Philippe Morel, du Tropiquarium de Servion.
«Tout d’abord la destruction de leur habitat avec le ramassage du guano qui est commercialisé. En effet, le guano, ce qu’on appelle les excréments des oiseaux marins (et des chauves-souris), est un excellent engrais du fait de sa grande concentration en produits nitrés. Un sol pauvre sera grandement favorisé par un tel engrais. Or ce guano permettait aux manchots du Cap de nicher en creusant des cavités et de se mettre à l’abri de leurs prédateurs: les grandes mouettes et les chacals.
Ensuite, les tristes et célèbres marées noires. Les côtes de l’Afrique du Sud supportent l’un des plus grands trafics pétroliers du monde. Lors de la dernière marée noire, on a dénombré 20’000 manchots en moins. Puis, vient la surpêche, un problème inhérent à tous les manchots qui sont obligés d’aller de plus en plus loin en mer pour trouver de quoi se nourrir et deviennent ainsi des proies faciles pour les otaries ou les requins blancs. Et enfin, les constructions de villas détruisent totalement, en bonne et due forme leur habitat.» La situation des autres espèces de manchots n’est pas meilleure au début du siècle passé, la Nouvelle-Zélande fabriquait des manteaux à base de leurs peaux. Et ce n’est pas tout!
A la fin du XIXe siècle, les manchots royaux et les manchots Gorfu de Schegel étaient jetés vivants, parfois assommés, afin de faire fonctionner les bateaux portugais. Très pratique et gratuit.
Je vous «rassure», ils ne sont pas les seuls à avoir imaginé une telle cruauté. Les Anglais, eux, ont inventé l’huile fabriquée à base de manchots de Gorfu sauteur. Ceux-ci étaient broyés vivants pour récupérer huile et graisse. On comptait 500’000 manchots pour faire 286’000 litres d’huile.
«Heureusement, depuis peu, les manchots du Cap ont commencé à être réintroduits. Les oiseaux qui naissent chez nous au Tropiquarium font partie du programme de réintroduction.»
Unis pour la vie
Les manchots forment en principe un couple pour la vie. La femelle pond deux œufs, couvés par les deux parents en alternance. Généralement seul un œuf arrive à terme. De l’éclosion jusqu’à 4 mois, les petits seront nourris avec du poisson régurgité par les parents. Ensuite, ils partiront deux ans en mer avant de revenir dans la colonie ou d’en former une autre. «Une des formidables aptitudes de cet oiseau est sa possibilité de retrouver ses parents au cri parmi des milliers d’oiseaux. On appelle ça la vocalise. Cette vocalise est une carte d’identité sonore très fine et parfaite.»
Les manchots vivent en principe dans l’eau de mer, mais en captivité ils vivent dans de l’eau douce sans problèmes. «C’est une espèce qui s’adapte très bien à la captivité. Au départ, nous avions un groupe de 8 manchots. Les reproductions allant bon train, nous avons placé deux jeunes dans un zoo et gardé trois autres jeunes. Actuellement deux couples sont sur les nids et nous devrions avoir de nouveau deux bébés d’ici un mois environ. Il y a actuellement 11 manchots au Tropiquarium que les visiteurs peuvent admirer aussi bien sous l’eau au travers de grandes vitres dans un bassin de 60’000 litres que sur terre. Leur nourriture est constituée uniquement de poissons qu’ils reçoivent trois fois par jour; vous pouvez assister au repas à 11h, 14h et 16h tous les jours. Cette nourriture représente 500 g de poissons par jour et par manchot soit environ 2000 kg par année pour le groupe. Pendant la période de la mue, ils ne mangent pas, mais cette période n’excède pas quelques semaines. L’espérance de vie d’un manchot avoisine les 25 ans. Leurs nageoires ont une force impressionnante. Quand nous sommes allés les chercher, une jeune stagiaire n’a pas pris correctement le manchot et celui-ci lui a donné un coup d’aile dans le nez. Elle a eu le nez fracturé!»
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