La vraie vie Adeline Dieudonné – Editions Iconoclaste
Un univers terrifiant
Milka | Un quartier banal, de ces quartiers alignés, avec de petites maisons individuelles, rien qui ne dépasse, toutes de la même couleur, gris, comme la vie de l’héroïne, avec un père ignorant, chasseur, alcoolique, violent avec sa femme. Sa femme, sa mère, inexistante, qu’on ne remarque que quand elle reçoit des coups, qui s’intéresse plus aux animaux qu’à ses enfants. Et ce petit frère, Gilles, qu’elle protège comme une seconde maman. Et un petit chien qu’elle adore. Il y a aussi dans cette maison une pièce où les enfants n’ont pas le droit de rentrer. La pièce du chasseur, où il expose tous ses trophées. Une défense d’éléphant, des têtes d’animaux mais aussi des bêtes entières empaillées telle une hyène dont on a l’impression qu’elle ne demande qu’à se réveiller. Un univers terrifiant qui joue un rôle important dans l’imaginaire de ces enfants. Puis un soir, lors du passage du marchand de glace, parce que l’héroïne demande un peu de crème chantilly sur sa glace, un évènement terrible va survenir, bousillant complètement sa vie et celle de son petit frère. Plus armée que lui, elle va se réfugier dans les sciences qu’elle adore, découvrir un amour interdit, continuer de supporter ce père violent, tout en attendant son heure, tandis que son frère a l’air de glisser tout doucement dans la folie, sans qu’elle ne puisse l’en empêcher. Mais l’homme violent se lasse de taper sur sa femme, il change de cible. La bête se réveille. Et c’est elle qui va en faire les frais. Supporter, endurer, mais aussi amorcer une complicité avec sa mère dont elle découvrira des capacités intellectuelles proches des siennes. Elles vont se soutenir, affronter les évènements ensemble, pendant que son petit frère se détache d’elle petit à petit pour se rapprocher de plus en plus de son père. La bête qui habite ce père a pris possession du cerveau de ce petit frère tant aimé qu’elle ne retrouve plus et qui est même devenu un ennemi. Elle continue sa vie cahin-caha, entre les coups et les crises de nerf de ce père devenu chômeur entretemps, ce qui lui laisse tout le temps de l’espionner et de la harceler moralement en tout cas. Jusqu’au jour où après un rendez-vous galant avec cet homme marié dont elle est tombée amoureuse, elle se rend compte que son père a assisté à la scène, tapi dans la nuit. S’ensuit les coups, la torture, des scènes terribles qui vont réveiller en elle des forces qu’elle ne soupçonnait pas. Elle va rendre les coups, jusqu’au bout. Puis de guerre lasse, elle se résigne et accepte de se laisser tuer. Pour que cela cesse. Mais une main insoupçonnée va la sauver. Ce roman qui est un premier roman est de grande qualité. Ça démarre tout doucement, flottant dans le banal, mais on soupçonne bien que tout va s’emballer à un certain moment. Et c’est le cas. Mais certainement pas dans la direction attendue par le lecteur. Et c’est là la finesse de l’auteur.