Passeport
Georges Pop | Le sourire épanoui du Tessinois Ignazio Cassis s’est affiché à la une de tous les journaux suisses, la semaine dernière, après sa prévisible élection au Conseil fédéral. Pendant sa campagne, certains, dans les rangs patriotiques, se sont félicités de sa décision de se défaire de son passeport italien alors que d’autres y ont vu un geste bassement opportuniste. Voilà qui nous offre l’occasion de nous pencher sur le mot passeport. Nul besoin d’être linguiste pour remarquer que le mot est une addition du verbe passer et du substantif port. Le terme est avéré dans la langue française dans certains textes administratifs dès le début du XVe siècle. A l’époque cependant, avant d’être attribué aux voyageurs, le passeport (ou passe-port) désignait un certificat officiel autorisant la libre circulation non des individus mais des marchandises. Le mot port, apparenté au latin porta (ouverture, porte), ne signalait d’ailleurs pas un lieu de déchargement maritime, mais les portes des villes, ceintes de murailles, où étaient contrôlées les personnes et les marchandises. Le passeport tel qu’on le connaît de nos jours n’est apparu que progressivement et a fini par s’imposer au XIXe siècle avec l’avènement des Etats-nations. Mais ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que son usage a été standardisé à l’échelle mondiale. Le plus ancien ancêtre du passeport rapporté par l’histoire serait un laissez-passer rédigé par le roi perse Artaxerxés Ier au Ve siècle av. J.-C. qui autorisait son serviteur Néhémie à retourner en Judée, le pays de ses aïeux. Le document est mentionné dans Le Livre de Néhémie qui fait partie de la Bible hébraïque et de l’Ancien Testament. Pour en revenir au nouveau conseiller fédéral, relevons encore que son prénom Ignazio (Ignace) nous vient du latin Ignatius apparenté à ignis (le feu). Les Romains l’avaient emprunté au grec Ἰγνάτιος (Ignatios), prénom antique puis byzantin qui voulait dire Celui qui projette le feu… Le temps nous dira si le tempérament latin du nouveau ministre, avec ou sans passeport transalpin, s’accorde ou non à son prénom de braise.