Hymne
Georges Pop | Comment ne pas éprouver un petit tressautement patriotique de bon aloi lorsqu’aux Jeux olympiques le drapeau national se hisse sur le mât central et que retentit l’hymne de son pays ? Les hymnes nationaux, dans leur acception moderne, sont pour la plupart un héritage du XIXe siècle qui a vu l’émergence des Etats-nations. Notre bon vieux cantique suisse, bien qu’officiellement adopté en 1961 à titre provisoire puis à titre (temporairement?) définitif vingt ans plus tard, date lui aussi de cette époque-là. Contrairement à d’autres hymnes nationaux, ses accents n’ont rien de martial et ses paroles, qui exaltent nos sommets ensoleillés et appellent chacun à se mettre sous la protection bienveillante du Créateur, sont plutôt débonnaires. Ce n’est pas fortuit ! Sa musique fut composée en 1841 par un gentil moine uranais du nom d’Alberich Zwyssig, alors que ses paroles en français furent accordées par Charles Chatelanat, un brave pasteur vaudois. Des hommes de Dieu pour un chant patriotique ? Et pourquoi pas ? Après tout, le mot hymne ne nous vient-il pas du latin hymnus qui désignait jadis un chant exclusivement… religieux ? Il est piquant de relever que certains étymologistes ont établi un lien de parenté entre hymne et hymen, synonyme de mariage, mot qui, par analogie, désigne aussi en anatomie la petite membrane qui obstrue le sexe des vierges. Héritage des Grecs, chez les Romains Hymen était le dieu des épousailles. Représenté sous les traits d’un bel éphèbe blond, il présidait symboliquement aux mariages en brandissait d’une main un flambeau nuptial et de l’autre un voile jaune. Le jaune symbolisait autrefois l’hyménée, autrement dit l’union conjugale, alors que cette couleur est aujourd’hui tristement associée aux maris cocus. En latin, l’hymenaeus, terme apparenté à hymnus, était ainsi un hymne à la gloire du dieu Hymen que l’on entonnait le jour d’une noce. Conclusion des philologues : les mots hymne, hymen et tous leurs dérivés auraient bien un ancêtre commun. Petite curiosité : jadis, en français, le mot hymne était au féminin. Mais aujourd’hui, sans aucune raison grammaticale, les deux genres sont admis, même si le masculin domine les hymnes nationaux et le féminin les hymnes religieuses, par exemple mariales lorsqu’elles sont dédiées à Marie. Peut-être une volonté virile de s’emparer des airs patriotiques en un temps où les femmes étaient, par les mâles, reléguées aux tâches ménagères, à la prière et, jusqu’au mariage, à la préservation de leur hymen…