La petite histoire des mots
Patrimoine
Georges Pop. |. L’homme n’avait pas que des amis! Pourtant le jour de sa disparition, la semaine dernière, Franz Weber a été unanimement encensé pour son engagement parfois immodéré en faveur de l’environnement, des animaux et surtout peut-être du patrimoine. Vous avez dit patrimoine? Voilà un terme bien intéressant dont le sens s’est considérablement enrichi il n’y a pas si longtemps. Le mot nous vient tout simplement du latin «patrimonium» qui, au pied de la lettre, veut dire «l’héritage du père». Chez les Romains, qui vivaient dans une société patriarcale et patrilinéaire stricte, le «patrimonium» désignait exclusivement l’héritage que l’on tenait de son père et que l’on transmettait à ses enfants. Le mot avait alors une signification de bien individuel puisque issu de «pater» (le père) et de «munio» (doter). Ce n’est que récemment que «patrimoine» a fini par prendre aussi le sens de bien collectif, matériel ou immatériel. Jusqu’à la Révolution française, le terme était utilisé dans sa seule signification d’héritage transmis. Son sens public apparut pour la première fois le 2 octobre 1789, lorsque l’Assemblée constituante décida de saisir les biens du clergé français au profit de la Nation. L’expression «patrimoine national» fut bien prononcée alors devant l’assistance mais il fallut attendre presque deux siècles encore, en France, avant l’introduction formelle du mot «patrimoine» dans un texte de loi en 1978. Un peu plus tôt, en 1972, l’Unesco (Organisation des Nations-Unies pour l’Education, les Sciences et la Culture), dont le siège est à Paris, avait, elle, déjà pris les devants en adoptant un traité international intitulé «Convention et recommandations relatives à la protection du patrimoine mondial culturel et naturel». De nos jours, 1092 biens culturels, naturels et mixtes figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’Uneco, répartis sur 167 pays. La Suisse en compte dix-huit dont la vieille ville de Berne, l’Abbaye de Saint-Gall, le chemin de fer rhétique et, en Suisse romande les sites pallafittiques de la région des Trois-Lacs, l’œuvre architecturale de Le Corbusier, l’urbanisme horloger de La Chaux-de-Fonds et du Locle, sans oublier bien sûr le vignoble en terrasse de Lavaux pour lequel Franz Weber s’est dévoué corps et âme, laissant parfois éclater une de ses célèbres «saintes colères» qui ont si grandement contribué à sa notoriété. Et puis il y une autre liste: celle des biens culturels immatériels. La Suisse y figure également en bonne place avec le carnaval de Bâle, la Fête des vignerons de Vevey, le savoir-faire en matière de gestion des avalanches ou encore l’art de la construction en pierres sèches. Plusieurs autres «traditions vivantes» figurent sur la liste suisse et sont en attente peut-être d’une reconnaissance mondiale, comme l’autogestion du Centre autonome de jeunesse à Bienne ou les constructions en neige à La Chaux-de-Fonds qui ont mobilisé huit équipes en janvier dernier. Mais dans ce dernier cas, gare au réchauffement climatique!