La petite histoire des mots
Métro
Georges Pop | La ville de Lausanne se targue, à juste titre, d’être la plus petite ville du monde à posséder un métro. Les festivités du 10e anniversaire du M2, inauguré lors du week-end du Jeûne fédéral en septembre 2008, fut l’occasion, il y a quelques jours, de le répéter à l’envi, non sans orgueil, les rames automatisées de la capitale vaudoise ayant accueilli leur 250 millionième passager en mars dernier. Que voilà une belle occasion de nous pencher sur ce curieux mot, devenu de nos jours tellement banal : « métro » ! A l’origine, au 19e siècle, ce moyen de transport urbain avait reçu le nom, certes un peu allongé, de «chemin de fer métropolitain». Nul ne sera surpris d’apprendre que Londres fut la première ville à se doter, dès 1863, d’un «metropolitan rail-way» tracté par une motrice à vapeur. La ligne entre Farringdon Street et la Gare de Paddington s’étendait sur un peu plus de 6 kilomètres, le long d’une tranchée couverte. En 1898, lorsque Paris entreprit à son tour de se doter du sien, la formule passa tout naturellement de la langue de Shakespeare à celle de Molière. Le mot «métropolitain» qui désigne «ce qui se rapporte à la ville» nous vient en droite ligne du bas latin «metropolis», nom que les Romains donnaient jadis à la capitale d’une province. Le latin l’a d’ailleurs lui-même emprunté au grec «μητρόπολις» (mêtrópolis) qui veut dire «cité mère»; mot composé de «μήτηρ» (mêtêr), la mère et de «πόλις» (pólis), la cité. Lorsque les Grecs fondaient de nouvelles colonies, dans l’Antiquité, ils n’oubliaient jamais leur «cité mère» avec laquelle ils gardaient des liens étroits. La cité mère de Marseille (Massalia), par exemple, était Phocée, en Asie mineure; ville qui fut détruite par les Perses et dont la population trouva refuge dans sa colonie; raison pour laquelle, aujourd’hui encore, on appelle «Phocéens» les Marseillais. Une métropole est aujourd’hui une grande ville ou le territoire d’un Etat – la France continentale par exemple – par opposition à ses possessions extérieures ou d’outre-mer. Pour en revenir à nos rames désormais toutes électrifiées, les locuteurs d’une langue étant tous paresseux par nature, la formule «chemin de fer métropolitain» se simplifia vite en «métropolitain» puis en «métro». Cette propension à couper les mots s’appelle savamment chez les linguistes une «apocope». C’est ainsi que métro est l’apocope de métropolitain et que ciné – qui a suivi le même cheminement sémantique – est celui de cinéma, lui-même apocope de cinématographe. Notons encore que l’expression «métro, boulot, dodo» fut inventée en 1968 par le poète et romancier français Pierre Béarn pour illustrer la monotonie du quotidien laborieux et répétitif des Parisiens et de la plupart des citadins contemporains. Pourtant, s’il y en a un qui n’a pas eu une vie monotone, c’est bien lui. Auteur de plus de trois-cents fables, il fut successivement journaliste, globe-trotter, auteur de récits de voyages, critique gastronomique et libraire. Il est mort en 2004 à l’âge de 102 ans quelques mois seulement après… s’être marié. Mais on ignore s’il y là un rapport de cause à effet!