La petite histoire des mots
Phallocrate
Georges Pop. |. L’agression d’une singulière sauvagerie dont ont été victimes à l’aube cinq femmes, il y a un peu plus d’une semaine à la sortie d’une boîte de nuit à Genève, a révulsé et médusé la population de ce pays, et au-delà; à l’exception peut-être d’une poignée d’ineptes mysogines et d’une chapelle croupissante de laudateurs du voile intégral qui s’obstinent à se figurer que l’espace public leur revient exclusivement. A juste titre, des mots tel que «machisme» et «phallocratie» ont été prononcés ou écrits. Il est peut-être nécessaire de noter que ces deux termes introduisent, à des degrés divers, une notion de bestialité. Le «macho» est celui qui exprime sa virilité auto-proclamée de façon exagérée, voire abusive. Le terme nous vient du latin «masculus» (le mâle) puis a transité par l’espagnol avant d’être adopté par le français. Ceux qui affichent leur machisme avec arrogance ignorent sans doute que dans la langue de Cervantes «macho», au sens propre, est surtout utilisé pour parler des animaux, auxquels certains s’apparentent manifestement par la subtilité de leur psychologie. Le mot «phallocratie» est lui un peu plus subtil, voire… pénétrant! Entrés dans le vocabulaire commun lors de la révolution sexuelle des années soixante et septante pour désigner la domination tyrannique des hommes sur les femmes, il résulte de la combinaison des mots grecs «φαλλός» (phallos) qui désigne le pénis et «κράτος» (krátos) qui veut dire pouvoir ou encore Etat. Une phallocratie, c’est donc au premier degré le pouvoir du phallus! Mais chez les anciens Hellènes, le «phallos» n’était pas un simple pénis. Non! Il désignait un sexe dressé, turgescent, provocant voire menaçant… Dans la statuaire antique, le «phallos» était uniquement réservé aux satyres et aux faunes de la mythologie, dont l’animalité était ainsi affirmée, ainsi qu’au dieu Priape, divinité de la fertilité, personnage qualifié d’ithyphallique car son sexe était sans relâche en érection. De nos jours le «priapisme» désigne d’ailleurs une incapacité du pénis à se détendre après un acte sexuel; trouble très dangereux qui exige une intervention urgente. Toujours dans la statuaire antique, les dieux et les hommes les plus beaux étaient eux affublés d’un pénis assez modeste. Faut-il en déduire que les Grecs d’alors étaient chichement dotés? Non! Car ces statues représentaient l’homme idéal. Or, dans l’Antiquité, un organe masculin généreux correspondait à des caractéristiques très négatives comme la luxure, la concupiscence, la démence et la laideur. Un pénis de taille modeste témoignait quant à lui de qualités plus estimables comme le discernement, la rationalité et le pouvoir de l’esprit sur la bestialité qui sommeille en nous. Ces canons, oh combien oubliés de nos jours, ont d’ailleurs été largement repris par les Romains puis par les artistes de la Renaissance. Si vous observez le David de Michel-Ange exposé à Florence, il est affublé d’un sexe très modeste. Pour l’anecdote, en 2005, deux médecins italiens ont publié une étude pour expliquer que le sexe de David était physiologiquement rabougri par… la peur viscérale qui a précédé son combat contre Goliath. Peut-être que dans quelques années, une autre étude nous apprendra que le futur roi d’Israël avait simplement pris… une douche froide !