La mesure… du temps !
Le chronométrage moderne a presque réussi à éviter l’ex-aequo
Pierre Scheidegger, Panathlon-Club de Lausanne | Les origines du sport, souvent, doivent être recherchées pour certains dans les premiers rites d’inspiration que l’on pourrait penser religieuse, ou pour d’autres la nécessité à l’homme primitif de se battre ou tout simplement de se protéger puis, éventuellement, d’attaquer. Plus tard, il faut le reconnaître, c’est plus l’instinct de compétition qui a animé l’être humain dans l’espoir de prouver sa valeur physique. Ce fut simplement par jeu un certain plaisir, sans public, et surtout sans recherche d’une pseudo-victoire. Acceptons, mais surtout ne le sous-estimons pas, le jeu est essentiel aux prémices de l’apprentissage de tout sport quel qu’il soit. Il est nécessaire! Puis en ajoutant à ce plaisir du jeu le désir de se mesurer à ses copains motive et engage le jeune, l’adolescent, à commencer à donner le meilleur de lui-même et l’incitera à se soumettre et respecter certaines règles et toute décision qui le concerneraient, aussi bien physiquement que moralement. Déjà, les Athéniens estimaient qu’un esprit sain ne pouvait habiter un corps imparfait et prenaient un plaisir égal à la contemplation d’un corps d’athlète qu’à la lecture des «dialogues de Platon». Sans revenir sur les volontés que prônèrent les Romains en ce qui concerne les exercices de condition physique, quasi exclusifs à former des hommes de l’armée impériale dont, au cours du temps, les rencontres sportives dégénérèrent en combats de gladiateurs en tristes spectacles.
Une étonnante et bien sombre période pour la culture sportive
Quatre siècles après le début de notre ère, l’empereur Théodose considérant que tout exercice physique n’était que frivolité et que les Jeux olympiques n’étaient qu’une survivance de rites païens ne pouvant avoir place dans le monde chrétien, donna ordre de raser le stade et les temples d’Olympie.
Oui! Donnons le temps… au temps !
Il aura fallu attendre des siècles pour remettre à l’honneur la mythologie et surtout l’art de la Grèce antique dont le sport n’en fut pas seul profitable. Littérature, arts, sciences furent également les bénéficiaires de ce renouveau qui prit nom de Renaissance.
L’esprit d’un souffle nouveau
Ce n’est qu’en moitié du dix-neuvième siècle, appliquée sur des bases conformes aux conditions modernes de ce moment, que l’éducation physique fut à nouveau reconnue comme nécessité morale et de santé mais sans se focaliser sur un esprit de compétition. L’heure du Baron Pierre de Coubertin allait sonner. Le 25 novembre 1892, il annonçait publiquement à la Sorbonne son intention de «réaliser cette œuvre grandiose et bienfaisante, le rétablissement des Jeux olympiques». Le sport, toute discipline confondue, prit alors un essor étonnant. L’organisation de rencontres de plus en plus fréquentes entre sportifs de différents pays provoqua une émulation, dont les conséquences furent l’établissement de records à une cadence toujours plus rapide. L’athlète atteignant sans cesse de nouveaux exploits et reculant toujours les limites de ses performances obligea la science du chronométrage à suivre cette immuable évolution. Le rôle du chronométrage manuel laissa rapidement place aux appareils électroniques qui, aujourd’hui, permettent une quasi-infaillibilité du temps… au profit du sportif. Par le souvenir de la synchronisation du starter des années soixante donnant le départ d’un 100 mètres, dont seule la fumée sortant de son pistolet provoquait le réflexe des chronométreurs sur leur montre, laissait souvent entrevoir quelques erreurs, sachant également que les athlètes pouvaient franchir la ligne d’arrivée à près de 35 kilomètres à l’heure. La précision, mais principalement l’impartialité des nouveaux appareils de chronométrage et surtout le système très apprécié des sportifs, soit la «photocellule» de l’arrivée, permettent à ces derniers de donner sans réserve le meilleur d’eux-mêmes. N’amélioreraient-ils que d’une fraction de temps, si minime soit-elle, un record établi que le fait serait dûment accepté. Il est vrai que le chronométrage moderne a presque réussi à éviter l’ex-aequo dans les courses.
Cependant… donnons-nous vraiment le temps… au… temps ?
A ce jour, les instruments de chronométrage ont la perfection et la précision qui garantissent, on l’espère, l’impartialité devenue indispensable en regard aux efforts des sportifs dont nous nous étonnons… encore, lors de rencontres internationales. Espérons, néanmoins, que cet apport au profit du sport ne soit pas trop souvent annihilé par ces tristement célèbres substances interdites qui resteront toujours la honte de la planète sport. C’est aux sportives et sportifs d’y veiller!