La LEO : un FLEO ?
Christine Renaudin, Juriste, Economiste, Enseignante auxiliaire, Pully | Le 14 septembre 2016, paraissait dans 24Heures une Lettre ouverte de 30 enseignants de Prilly, adressée à Anne-Catherine Lyon, cheffe du DFJC. «C’est sans hargne ni acrimonie» et «connaissant leur obligation de réserve» que ces enseignants réagissaient au bilan d’«une école vaudoise apaisée» décrite par Mme Lyon, pour lui dire que leur réalité était tout autre. «L’école vaudoise va mal et cette situation va s’empirant» déclaraient-ils. Mais le lendemain Mme Lyon estimait dans la presse que cette démarche était un mouvement isolé. Avait-elle raison? Devant la gravité du problème, et face à une démarche extrêmement rare de 30 enseignants, il m’a paru nécessaire de clarifier la situation. Aussi ai-je lancé une pétition pour évaluer combien d’enseignants soutenaient la démarche de leurs collègues de Prilly. 1666 enseignants signèrent la pétition en à peine trois semaines. Ce n’était plus un mouvement isolé.
Pour prouver que ce nombre était bien réel, et afin de garantir l’anonymat aux signataires craignant des représailles, les 1666 signatures furent authentifiées par un notaire, sous la forme d’un acte notarié. Il m’a semblé adéquat de donner une suite à cette pétition par un sondage. Pour une raison toute simple: en effet, depuis l’introduction de la LEO, jamais les enseignants n’avaient été sondés en trois ans quant à son application, ce qui pouvait paraître très surprenant puisqu’ils étaient mieux placés que quiconque pour en juger. Donner une voix aux enseignants était la meilleure façon de savoir si les analyses très positives que le Département publiait régulièrement correspondaient à la réalité du terrain. Soigneusement élaboré, ce sondage a été soumis à une vingtaine d’enseignants et complété selon leurs observations. 1121 enseignants y ont répondu. Pour faciliter la lecture des résultats, ceux-ci ont été classés selon le pourcentage des réponses. Ce sondage montre que le malaise qui règne dans l’école vaudoise est profond et réel. Ce n’est pas la colère des enseignants qui en ressort, c’est leur souffrance. Ce sondage illustre leur désarroi.
Résumé du sondage
Pour plus de 60% des enseignants
• Les élèves souffrant de handicap nécessitent des classes adaptées (60%)
• La LEO n’atteint pas son objectif principal c’est-à-dire éviter le jugement négatif dont souffrent les élèves les plus faibles (62%)
Pour plus de 70% des enseignants
• Une nouvelle loi doit supplanter la LEO et être soumise au peuple vaudois (70%)
• Le Département ne soutient pas ses enseignants (73%)
• Le niveau scolaire en général s’est dégradé avec la LEO (75%)
• Les structures et les moyens prévus par la LEO pour les élèves violents sont insuffisants (75%)
• L’apprentissage n’est pas assez mis en valeur, au profit d’une promesse d’accès aux études pour tous (77%)
• La LEO augmente les cas de burn out dont souffrent les enseignants (79%)
Pour plus de 80% des enseignants
• La réintroduction de la 3e voie pour l’apprentissage, éliminée par la LEO, est nécessaire (80%)
• La LEO a accru la part administrative de l’enseignement (81%)
• Le Département doit changer d’orientation en matière de politique scolaire (83%)
Pour plus de 90% des enseignants
• Ce sondage doit déboucher sur des changements appliquables dès la prochaine rentrée scolaire (91%)
• La LEO augmente le stress dont souffrent les enseignants (91%)
• Après 3 ans d’application de la LEO, 92% des enseignants ne sont pas satisfaits par la LEO (92%)
• Les nombreux changements de classe imposés par la LEO sont un handicap pour les élèves et les maîtres (92%)
• Le statut de Maître de classe doit être revalorisé (94%)
• Des classes à petits effectifs, destinées aux élèves en difficulté scolaire, sont indispensables (96%)
• Le Chef du Département devrait s’entourer d’enseignants ayant une longue expérience de l’enseignement (98%)