Illusions françaises
par Laurent Vinatier | La formule, reprise d’un hebdomadaire parisien, résonne de vérité tant les Français en masse reconnaissent à Manuel Valls la légitimité appréciable de diriger les affaires de l’Etat. Indicateurs parmi d’autres, fiables dans une certaine mesure: les niveaux de popularité parlent d’eux-mêmes. La comparaison est au clair détriment de François Hollande dont la cote, après une brève remontée, vient de chuter à 18%, un seuil présidentiel historique. L’ancien ministre de l’Intérieur, lui, à l’inverse atteint des sommets à 58%, alors qu’il vient de passer deux ans au gouvernement aux côtés du même président. La différence ne se joue donc pas sur l’usure du pouvoir. François Hollande a déçu à l’évidence et déçoit encore manifestement. La normalité qu’il professait, afin de se distinguer en tout de son prédécesseur hyperactif, ne convainc guère et ne semble en tout cas absolument pas suffisante pour redresser la France. Les réformes tardent, et lorsqu’elles surviennent, s’avèrent être surtout du bricolage, fondé sur un compromis peu constructif. Il manque du courage politique à cet homme dont les frasques conjugales, certes populaires, ont un peu terni l’image de chef de l’Etat entièrement consacré aux affaires – et priorités – publiques. A tort ou à raison; toujours est-il qu’il paraît aujourd’hui, aux yeux du plus grand nombre, comme un président trop normal, indécis, non préparé aux défis, essentiellement économiques et intérieurs, qui menacent. Ce qui est anormal chez Manuel Valls est précisément qu’il ait réussi, après deux années aux affaires, à garder un bon niveau de popularité. Son style plaît: engagé, dynamique, volontaire; il est présent sur le terrain et s’implique, ce qui n’est pas, en effet, sans rappeler Nicolas Sarkozy. Cependant, si l’on file la comparaison, cette pratique de la politique qui marche pour un ministre ou un premier ministre ne vaut pas forcément pour un président. Les Français, en somme, exigent un homme extraordinaire qui n’en fait pas trop, c’est-à-dire sans doute quelqu’un avec une vision, qui sache donner des perspectives sans se mettre toujours en avant. Bien… Mais de Gaulle est mort, depuis déjà un moment. A vouloir faire de la politique comme dans le passé, il est certain qu’on risque de prendre du retard. Les Français ont besoin d’être bousculés.