Hygiène
Georges Pop | Le Conseil des Etats s’est délicatement distingué, récemment, en repoussant aux calendes grecques un projet de loi visant à contraindre les entreprises à la transparence salariale afin de soutenir l’équivalence de traitement, toujours honteusement inéquitable, entre hommes et femmes. Dans la foulée, la bienveillante Chambre des cantons a encore vidangé une motion du brave socialiste neuchâtelois Jacques-André Maire qui proposait que les produits d’hygiène corporelle de base, comme les serviettes hygiéniques, soient soumis à un taux réduit de TVA à 2,5%; dans l’espoir d’alléger un peu les dépenses des femmes. Voilà qui nous offre l’occasion de nous pencher sur le mot hygiène, de nos jours inséparable de la notion de santé. Eh bien ce mot dérive tout simplement du nom d’une femme, la très révérée déesse grecque Hygie, en charge parmi les dieux de l’Olympe de la santé de tous les êtres vivants. La gracieuse Hygie était d’ailleurs issue d’une divine famille entièrement dévouée au bien-être des humains. Son papa Asclépios (l’Esculape des Romains), toujours invoqué dans le moderne serment d’Hippocrate, était le dieu de la médecine. Sa maman, la gentille nymphe Epione, avait quant à elle le pouvoir de soulager les maux les plus divers. Hygie avait encore cinq jolies frangines qui, aujourd’hui, pourraient toutes faire au moins une belle carrière d’infirmière. On se contentera ici de citer Acéso, l’ancêtre des soignantes à domicile, qui accompagnait le processus de guérison; Méditrine, ascendante des rebouteux, qui était une sorte de guérisseuse, et surtout Panacée, une généraliste experte en plantes médicinales, capable de guérir toutes les maladies. Son nom est d’ailleurs passé dans le vocabulaire pour désigner un remède universel. Les Grecs et les Romains qui fréquentaient assidûment les bains publics étaient très soucieux de leur hygiène. Au Moyen-Age, le bain privé était devenu un privilège de riche et l’église catholique suggérait aux fidèles de simples ablutions. L’hygiène s’est considérablement dégradée à la Renaissance, l’eau étant, à cette époque, suspectée de ramollir la peau la rendant perméable aux maladies. Les plus aisés se contentaient alors de se barbouiller de parfums pour couvrir leur puanteur et de croquer des pastilles d’anis pour dissimuler leur haleine fétide. Plus tard, à Versailles, palais pourtant doté de nombreux lieux d’aisance, on pouvait parfois surprendre courtisans ou laquais en train de déféquer discrètement sous les escaliers. Répugnant! Il fallut attendre les découvertes de Louis Pasteur sur les germes, à la fin du 19e siècle, pour que l’hygiène prenne l’importance qu’on lui connaît. A l’usage des touristes qui se rendent en Grèce à la belle saison, on dira encore que le Hello grec se dit Γεια σου (Geia sou ou Yassou en phonétique). Il résulte d’une compression des mots υγεία (hugieía = la santé), qui dérivé en droite ligne du nom de la déesse, et σου (sou = à toi). En clair, le Yassou des Grecs veut tout simplement dire Santé à toi! Il se dira cependant Yassas (Santé à vous) lorsqu’il est destiné à une personne que l’on vousoie. Chez les Hellènes, le Yassou et le Yassas sont d’usage pour se dire bonjour lorsqu’on se croise ou, lorsqu’en bonne compagnie, on va trinquer! Un peu à la manière des piliers vaudois d’estaminet lorsqu’ils lèvent leur verre avant de l’écluser en prononçant la traditionnelle formule Santé, conservation! Allez… A la bonne vôtre!