“Le Redoutable” – Quel con ce Suisse!
«Le Redoutable» de Michel Hazanavicius
Colette Ramsauer | Biopic, comédie, drame, romance, nominés sept fois au dernier festival de Cannes «Le Redoutable» réalisé par Michel Hazanavicius (The Artist, 2011, muet) est adapté du livre Un an après 2015, d’Anne Wiazemsky qui fut l’épouse du cinéaste Jean-Luc Godard. Michel Hazanavicius signe, décliné en 10 thèmes, un film plaisant sur des faits qui le sont beaucoup moins, le court épisode d’une vie de couple au moment de la révolution de mai 68 à Paris. L’acteur français Louis Garrel tient le rôle de Godard au presque-parfait.
Fatidique
«Le Redoutable» fait allusion au premier sous-marin français inauguré en mars 1967. Le réalisateur fait-il le lien avec la pensée imprévisible de Jean-Luc Godard? Le cinéaste adulé du moment (A bout de souffle, Le Mépris, Pierrot le Fou) déclinait volontiers le mot à (petite-fille de l’écrivain François Mauriac, qu’elle est) Anne Wiazemsky, de 16 ans sa cadette, qu’il épousa à Begnins (Suisse) en juillet 1967. S’il devait redouter quelque chose, c’est bien qu’elle lui échappe. Ce qui arriva fatidiquement trois ans plus tard.
Tout confort Quartier latin
Les amoureux vivent dans la capitale, Quartier latin, sûr pas dans une chambre de bonne! La caméra sonde leur vie privée et cinématographique, au coeur des événements de mai 68 auxquels ensemble ils prennent part. Jean-Luc (Louis Garrel) et Anne (Stacy Martin) n’échappent pas aux gazes lacrymogènes, aux bousculades, empoignades qui brisent à plusieurs reprises les fameuses lunettes fumées de celui qui disait: «La politique, c’est comme les chaussures, il y a la droite, il y a la gauche et bientôt les gens voudront marcher pieds nus».
Devant des salles combles
Au moment des faits, Anne avait tenu le rôle d’actrice dans son dernier film La Chinoise, 1967, mal accueilli, notamment par les militants maoïstes. «C’est pas que je me sois trompé, c’est que j’avais tord» soutenait Godard, dans une phase de remise en question. Il s’intéressa à ce moment plus à la politique qu’au cinéma.
On le voit défendant ses idées politiques dans des auditoires combles à l›université de Nanterre, avec Cohn-Bendit et d’autres contestataires en vue. Des voix s’élèvent contre son incohérence. Il cherche, il le faut dire, la confrontation. «Ce qui m’intéresse du mouvement des étudiants, ce n’est pas les étudiants mais le mouvement». Il se révolte contre leur inconscient collectif, leur aveuglement face aux guerres qui font rage au Vietnam, au Biafra. Brouillon, insaisissable, celui qui déteste le bronzage et n’entonne pas «Azzuro» avec une joyeuse tablée italienne, s’isole. Ses pensées sont ailleurs.
«Tu changes toujours les règles!»
Le film, aux trouvailles cinématographiques, telles scènes érotiques soft en noir-blanc puis images en négatif lorsque le couple chavire, offre des passages se rapprochant du muet. On retrouve le fumeur de Boyard maïs au sud de la France alors qu’il a fait scandale au festival de Cannes en retirant son film in extremis. Et la belle Anne qui l’attend en bord de mer avec leurs amis, pour calmer le jeu. En vain. «Tu changes toujours les règles!» Dispute, tentative de suicide, séparation imminente.
Quel con ce Suisse!
Parmi les slogans décapants, graffiti aux murs parisiens: «Jean-Luc Godard, le plus con des Suisses». Godard – rappelons-le, à double nationalité – le brouillon, le balbutiant, l’incertain, l’incohérent, qui cependant avait saisi de son époque l’extravagance des certitudes. Redoutable.
«Le Redoutable» France, 2017, 102’ de Michel Hazanavicius – Avec Louis Garrel, Stacy Martin,…
Au cinéma d’Oron les vendredi 15, dimanche 17 et mardi 19 septembre à 20h (salle 1)