«Tout l’argent du monde» – Le rapt, un acte odieux
«Tout l’argent du monde», thriller de Ridley Scott
Colette Ramsauer | Rome la nuit, 10 juillet 1973. Paul, 17 ans, est kidnappé dans un quartier peu sûr par des malfaiteurs liés à la Ndrangheta. Il est le petit-fils du milliardaire J.-Paul Getty. Dans le contexte politique, alors que des groupuscules dénoncent les abus du capitalisme, ce rapt devient un symbole.
Tournage sur fond de polémique
Ridley Scott (Les Duellistes, Allien, Blade Runner) s’inspirant de l’œuvre de John Pearson, Painfully Rich, 1995, mélange faits réels et fiction pour retracer l’événement qui avait fait la une des journaux. A six semaines de la sortie du film, le tournage de certaines scènes reprenait dans une nouvelle version avec, dans le rôle de J.-Paul Getty, Christopher Plummer remplaçant – au pied levé et superbement – Kevin Spacey accusé d’agressions sexuelles sur des acteurs. Congédié ! L’acteur Mark Wahlberg, quant à lui, versait l’entier de son cachet à des fonds d’aide contre harcèlement et agressions. Beaucoup de publicité dans la perspective des Oscars 2018 !
Michelle Williams remarquable
Dans ce thriller captivant, la mère de Paul, Abigail (Michelle Williams) – nommée aux Golden Globes 2018 pour le rôle qu’elle tient remarquablement – entreprend tout pour sauver son fils. Dans un pays où les paparazzi sont légende, elle se bat courageusement dans les rebondissements qu’engendrent cet acte odieux. L’absence du père oblige le grand père J.-Paul Getty à agir: il mandate le chef de sa sécurité privée, Fletcher Chace (Mark Wahlberg) – peu convaincant dans le rôle – pour dissuader les ravisseurs revendiquant 17 millions de dollars!
En prince Hadrien
Les dissuader, car le magnat du pétrole n’a pas d’argent à gaspiller. Avare, abject, replié sur lui-même – homme le plus riche que l’histoire ait connu au moment des faits – il ne veut pas céder au chantage «afin de protéger mes autres petits-enfants susceptibles de devenir des cibles». Mégalomane, J.-Paul Getty se voyait en empereur Hadrien. Il rêvait dans sa jeunesse de passer ses nuits dans les ruines d’un palais romain, dont il s’inspira en fin de vie pour le projet d’une habitation démesurée en Californie. Quatre mois après l’enlèvement, alors qu’une oreille coupée et une mèche de cheveu du malheureux Paul, furent parvenus au journal romain Il Messagero, il décide enfin de payer la somme de 3 millions de dollars à d’autres ravisseurs… qui ont acheté l’otage ! L’adolescent est libéré le 15 décembre 1973, en région de Calabre où sa mère et Fletcher Chace sont venus le récupérer.
Episode des seventies
Le film nous emmène dans les rues animées de Rome où la jeunesse manifeste, où les Vespa – vingt ans après Vacances romaines – dansent parmi un trafic grandissant; dans les pays du Golfe, où J.-Paul Getty négocie l’or noir; dans la campagne de Regio de Calabre, où les ravisseurs à bout de nerfs retiennent l’otage; en Angleterre, dans un château somptueux où s’accumulent des œuvres d’art d’une valeur inestimable. «Tout l’argent du monde» nous plonge dans l’histoire des années 70, lorsque de nouvelles richesses naissaient du service de la pompe à essence, comme aujourd’hui d’autres naissent du service de nos téléphones portables et autres ordinateurs.
«Tout l’argent du monde» Ridley Scott Thriller, drame, USA, 2018, 133’, VF, 16/16 ans
Avec Michelle Williams, Christopher Plummer, Mark Wahlberg, Romain Duris et Charlie Plummer
Au cinéma d’Oron les 14, 15 et 18 février à 20h
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