«Fragments du Paradis» les questions brèves de Stéphane Goël
Colette Ramsauer | La salle était comble et l’ambiance familière mercredi 10 février au cinéma de Carrouge. Le public découvrait le film «Fragments du paradis» en présence de son réalisateur, Stéphane Goël, enfant de Carrouge.
Sondage sur l’au-delà
Le film débute dans un cadre idyllique de montagnes, décor d’une randonnée qu’effectue le réalisateur avec son père. La tranquille ascension sert de fil conducteur au déroulement du film, ponctué des séquences en noir/blanc donnant la parole à des personnes d’âge avancé définissant leur vision de l’au-delà. Sujet sensible qui nous concerne tous.
Pièces manquantes
Stéphane Goël l’aborde avec tact. Questions brèves et directes. Questions pièges pour certains, pas pour d’autres. Croyants, non-croyants, ses interlocuteurs répondent sans fard, avec candeur, humour, parfois beaucoup d’émotion, tels les témoignages d’un émigré nostalgique ou de ceux qui ont vécu l’expérience de mort imminente.
Animé par la foi, influé par le milieu social, les origines, marqué par le vécu, chacun imagine un paradis, le construit un peu à la manière d’un puzzle auquel manqueraient des pièces. La crainte de l’enfer a disparu et l’espoir d’un paradis terrestre demeure.
Au gré des commentaires, surgissent des séquences couleur 8mm: moments de bonheur passés en famille des années 60: baignade, cueillette de narcisses, fête de Noël, pique-nique dominical, à emporter dans l’autre monde… qui sait.
Où vont nos âmes ?
Pour le père qui chemine sur le sentier devant son fils, le paradis se trouve au terme de leur marche, du côté du Vanil Noir. La caméra a su capter avec bonheur les nuages frôlant les sommets. Vision d’un monde céleste en flottement, dont des fragments échappent, et qui attendrait nos âmes. L’octogénaire désigne, dans ce beau paysage, l’endroit où déposer un jour ses cendres.
Le film est encore à l’affiche du cinéma d’Oron.
CR | De la projection à la réalisation, le parcours d’un passionné
Du film «Les Petites Fugues» d’Yves Yersin, projeté au cinéma de Carrouge en 1997, Stéphane Goël s’en souvient bien. On lui confie la tâche de projectionniste de la salle. Très vite, il découvre la mécanique du cinéma. «A ce moment on passait un film tous les quinze jours. C’est grâce à cet endroit que je suis devenu cinéphile et ai développé ma passion de réalisateur.» Le jeune homme se voit remettre une carte d’entrée donnant l’accès gratuit à tous les cinémas en Suisse. «Pris de boulimie, pendant cinq à six ans j’allais tout voir, tous genres de films confondus, avec une admiration pour les films américains du moment… Milos Forman, Stanley Kubrick, Spike Lee, Jim Jarmusch. «Down by law» en 1986 m’a particulièrement marqué et inspiré par la suite.» Il fréquente la cinémathèque, se forme en autodidacte: «Je n’étais pas d’un cursus académique, il n’y avait pas à ce moment d’école de cinéma en Suisse et comme fils d’agriculteur, il était hors de question d’aller étudier à Paris ou à Londres.» En 1985, il a vingt ans et déjà il travaille comme monteur et réalisateur indépendant. Pendant six années à New York, des petits boulots lui permettent la réalisation de vidéos expérimentales qui le mènent au long-métrage documentaire. De retour en Suisse, avec «Campagne perdue» il filme, impliquant déjà son père, les témoins des changements que connaît le monde agricole: «Je découvrais une réalité complexe, je me réappropriais cette nature avec un regard nouveau.»
D’autres films suivent, plus d’une vingtaine à ce jour, certains sélectionnés ou primés: Le poison, Le crime de Maracon, 2003; Sur les traces des pharaons noirs, 2005; Le Secret, 2007; Prud’hommes, 2010; De la cuisine au Parlement, 2012. Stéphane Goël fait partie du collectif Climage à Lausanne au sein duquel il produit et réalise des documentaires pour le cinéma et la télévision.
«J’ai souvent projeté mes films à Carrouge. J’aime cet endroit, y retrouver mon public et cette salle qui n’a pas changé. Seule la projection numérique est d’actualité.»