Enquête: la facture sociale et ses multiples facettes
Gil. Colliard | Vue de l’extérieur et par le petit bout de la lorgnette, la Suisse semble un éldorado de richesse. Quatrième au classement des pays les plus heureux, avec un produit intérieur brut (PIB) lui attribuant la vingtième place des nations les plus riches, la Suisse est un pays où il fait bon vivre, loin des conflits qui tuent et détruisent. Cependant au cours de ces dernières législatures, nous avons assisté à une fragilisation d’une partie toujours plus importante de la population, résultant sur un recours accru aux différents dispositifs sociaux. Le 7% de la population suisse est touché par la pauvreté, représentée particulièrement par les familles monoparentales, les personnes sans formation, les «working poor» dont les ressources ne leur permettent pas de faire face aux dépenses obligatoires. A cela il faut ajouter un marché du travail de plus en plus sélectif, le durcissement des conditions d’octroi des prestations de certaines assurances sociales (assurances chômage, AI), la hausse de loyers et des primes d’assurances maladie.
Au cours de ces vingt dernières années, en collaboration étroite avec les communes, le canton de Vaud a pris de nombreuses mesures pour répondre de la façon la plus adéquate possible à ces nouveaux besoins, en apportant aux dispositifs d’aide cantonaux les aménagements nécessaires. Parmi ces derniers relevons le programme de Formation professionnelle pour les jeunes adultes en difficultés (FORJAD) permettant aux jeunes adultes âgés entre 18 et 25 ans, bénéficiaires de prestations sociales, de trouver leur voie professionnelle et d’entrer dans le monde du travail. Au vu des bons résultats, le programme de formation professionnelle a été étendu aux personnes allant de 26 à 40 ans (FORMAD), permettant à ces dernières d’entreprendre des formations longues, continues ou un programme de validation des acquis.
Or, indépendamment de cette politique, les dépenses sociales ont fortement augmenté au cours de ces dernières années, ce qui s’est répercuté sur la facture sociale payée par les communes. Trouvant son origine à la fin des années septante, cette dernière a connu différentes modifications négociées entre le canton et les communes, pour aboutir en 2011 à sa forme actuelle. Si le terme «facture sociale» est connu de tous, son contenu reste pour beaucoup une idée vague, souvent faussée. Forte de cette constatation, la municipalité d’Oron, dans un souci de transparence et d’information, nous propose une visite détaillée de ce poste important de son budget, figurant au chapitre des dépenses.
Que trouve-t-on dans la facture sociale ?
La Municipalité | Pour les communes, l’automne rime avec préparation des budgets. La facture sociale est un poste conséquent de ces derniers qui apparaît dans la colonne des charges, mais de quoi s’agit-il exactement? En préambule, la facture sociale englobe des tâches de compétence cantonale dont le mode de financement est assuré pour un tiers exclusivement par l’Etat, les 2/3 restants sont partagés entre l’Etat et les communes. En 2016, la part des communes s’est élevée à 740 millions. Il s’agit de la facture définitive connue à ce jour puisque l’exercice 2017, n’est pas encore bouclé. Cette dernière couvre les dépenses de 6 régimes:
1 Prestations complémentaires (PC) à domicile et hébergements
Il s’agit, d’une part des prestations complémentaires AVS / AI qui visent à couvrir les besoins vitaux des personnes âgées, et des personnes handicapées, et d’autre part d’une aide individuelle pour le paiement des frais socio-hôteliers des personnes hébergées en EMS, assortie éventuellement d’une aide financière au conjoint resté à domicile. Ce régime représente les 31% du montant total de la facture sociale.
2 Subsides aux primes d’assurances maladie
Il s’agit d’une aide individuelle pour le paiement des primes d’assurance maladie pour les assurés de condition financière modeste et les bénéficiaires du revenu d’insertion. Aujourd’hui, il s’agit des 10% de la facture sociale.
3 Revenu d’insertion (R.I) et participation cantonale à l’assurance chômage
Ce régime permet aux personnes sans emploi, sans droit à des prestations d’une assurance sociale, de bénéficier d’une aide financière publique et de mesures d’insertion sociale. La participation cantonale à l’assurance chômage permet de financer les ORP, les mesures de réinsertion professionnelles (MIP) qui permettent aux personnes sans emploi et bénéficiaires du RI social de se réinsérer dans le marché du travail. Il représente 34% de la somme globale de la facture sociale.
4 Subventions et aides aux personnes en situation de handicap ou en grandes difficultés sociales
Il s’agit d’une aide permettant aux personnes adultes en situation de handicap ou en grandes difficultés sociales séjournant en établissements socio-éducatifs de bénéficier de mesures orientées vers l’insertion sociale. Ces prestations sont financées, d’une part, par une contribution personnelle du résident et, d’autre part, par une aide individuelle (versée à l’institution). Ce régime représente le 15% de la facture sociale.
5 Prestations pour la famille et autres prestations sociales
Ce régime englobe 4 domaines, il garantit le versement des pensions alimentaires. Par le biais des prestations complémentaires pour les familles, il soutient les familles avec enfants de moins de 16 ans disposant de revenus lucratifs insuffisants. Le régime de la rente-pont couvre les besoins vitaux des personnes proches de la retraite qui n’ont pas droit aux indemnités de chômage. Pour terminer diverses autres prestations (LAVI, allocation cantonale maternité, PROFA….). Ce régime représente les 6% de la facture sociale.
6 Bourses d’étude et d’apprentissage
Il s’agit avec ce régime de soutenir toutes personnes s’engageant dans des études ou un apprentissage après la fin de l’école obligatoire. Il y a bien sûr des conditions très strictes pour obtenir cette aide. Ce volet représente les 4% du montant de la facture sociale.
Pour la commune d’Oron
En 2016, les charges communales, toutes dépenses confondues, s’élevaient à un peu plus de 23 millions dont 2,6 millions étaient dévolus à la facture sociale (environ 10% des charges). Ce qui revient à dire qu’un franc sur dix est dépensé pour cette dernière. Jusque-là, nous avons évoqué uniquement les dépenses liées à cette prestation, mais il faut aussi se rendre compte que des citoyens d’Oron bénéficient de prestations financées par le biais de la facture sociale.. Par exemple: 30% des habitants bénéficient des subsides à l’assurance maladie, soit un taux plus élevé que la moyenne cantonale (27%). On relève ainsi qu’une partie importante de nos concitoyens bénéficie, de manière solidaire, des montants redistribués pour adoucir les primes d’assurances maladie. Il faut également souligner qu’il existe d’autres éléments qui relèvent de la sécurité sociale, mais qui ne sont pas inclus dans la facture sociale. C’est un montant d’environ 900’000 francs réparti entre l’accueil de la petite enfance (8) et les soins à domicile (7) pour un montant respectivement de 434’000 francs et 466’000 francs respectivement.
Source: Brochure la facture sociale (participation des communes aux dépenses sociales (vers. de 2017) et comptes 2016 de la commune d’Oron.
Contribution de la commune d’Oron aux différents régimes (comptes 2016) :
Régime | Montants | % de la facture sociale |
1 Prestations complémentaires (PC) à domicile et hébergements | 788’244.00 | 30.55% |
2 Subsides aux primes d’assurances maladie | 265’540.00 | 10.29% |
3 Revenu d’insertion (R.I) et participation cantonale à l’assurance chômage | 896’360.00 | 34.74% |
4 Subventions et aides aux personnes en situation de handicap ou en grandes diffucultés sociales | 381’633.00 | 14.79% |
5 Prestations pour la famille et autres prestations sociales | 153’672.00 | 5.95% |
6 Bourses d’étude et d’apprentissage | 94’694.00 | 3.67% |
Facture sociale 2016 | 2’580’986.00 | 100.00% |
Autres prestations hors facture sociale | ||
7 Soins à domicile | 434’354.00 | |
8 Accueil petite enfance | 466’200.00 |