Des stars à Servion
par Luc Grandsimon | Située dans la commune de Servion, cette entreprise familiale a vu le jour en juillet 1974 grâce au travail assidu de trois frères: Charles, Gilbert et Max Bulliard. L’entreprise familiale se perpétue, car le directeur actuel du Zoo, Roland Bulliard, n’est autre que le fils de Max.
Les premiers animaux à y avoir établi domicile étaient en majeure partie des animaux domestiques – fouines, poneys, chèvres, loutres – car ils étaient plus faciles à acquérir et à garder. Toutefois, le Zoo nourrissait déjà à cette époque le rêve de pouvoir viser plus grand et d’acquérir des fauves. La première étape faite dans ce sens a été de choisir le tigre comme emblème du Zoo permettant de garder à l’esprit l’objectif fixé. Malgré la difficulté d’acquérir ce genre d’animal, ce rêve devint réalité en 1981 et le premier couple de tigres de Sibérie prend ses quartiers dans l’enclos spécialement aménagé. Le choix du tigre comme emblème fut une évidence, car il s’agit d’un animal solitaire et bien plus autonome que le lion. Tout cela fait de lui le «roi des animaux» s’exprime Roland Bulliard en souriant.
La question que vous, lecteurs, pourriez vous poser est la suivante: «Comment un zoo acquiert-il ses animaux ?»
On pourrait penser que ces derniers proviennent de l’état sauvage ou tout simplement qu’ils sont achetés, et pourtant il n’en est rien. De nos jours, les animaux sont échangés entre les zoos grâce à diverses associations, telles que l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) ou l’Association mondiale des zoos et aquariums (WAZA) qui œuvrent à la sauvegarde de la biodiversité et participent également à divers programmes de sauvegarde d’espèces rares comme le tigre de Sibérie, la panthère des neiges, le lémur aux yeux turquoise ou le ouistiti pygmée. Plus concrètement, lorsque le Zoo de Servion observe une naissance, celle-ci est annoncée à l’EAZA et à la WAZA puis est transcrite sur une liste accessible aux zoos membres de l’association. Ainsi, un zoo désirant accueillir de nouveaux animaux peut s’adresser directement à l’établissement disposant de l’animal afin d’organiser son transfert. Ce système est efficace et permet, d’une part, de contrôler la carte génétique de l’animal et, d’autre part, d’éviter les trafics d’animaux. Roland Bulliard raconte que «malheureusement, au départ, ces associations n’existaient pas et donc il était nécessaire de passer par des marchands. Ces associations se sont justement créées pour endiguer ce trafic. Le fait que les animaux soient offerts d’un zoo à un autre fait disparaître cette notion d’argent et de valeur autour de l’animal. Il est donc beaucoup plus facile d’acquérir des animaux de nos jours qu’il y a 40 ans».
Dès à présent, chaque semaine, vous pourrez découvrir un animal du Zoo ou
du Tropiquarium de Servion. Vous aurez ainsi l’occasion de découvrir toutes leurs anecdotes et pourrez enrichir vos visites de ces deux beaux parcs animaliers de notre région.
A l’honneur cette semaine: le tigre de Sibérie. Après tout, il est normal de commencer par l’animal qui n’est autre que le symbole du Zoo depuis tant d’années. Le Zoo de Servion est l’un des seuls parcs animaliers de Suisse à posséder cette magnifique espèce de tigre. Toutefois, ce genre d’espèce demande une importante infrastructure. La législation suisse, supervisée par les vétérinaires fédéraux, exige un parc d’au minimum 100 m2. A Servion, le couple de tigres se partage une surface d’environ 1000 m2, et un projet d’agrandissement, qui permettrait de passer de 1000 m2 à environ 2000 m2, est en cours d’examen par les autorités compétentes. Ce projet permettrait d’agrandir certains enclos et ainsi de mieux coller à la nouvelle vision des zoos, qui deviennent des endroits privilégiant l’espace mis à disposition des animaux, parfois au détriment du visiteur qui peine à les voir. En effet, pour le bien-être des animaux, il est indispensable que ces derniers disposent d’endroits ou ils peuvent se réfugier à l’abri du public lorsqu’ils le désirent. Cela permet également d’éviter qu’ils ne développent des troubles du comportement.
Les tigres sont des animaux rares et protégés, il ne reste que 400 individus environ dans la nature. Des programmes de réinsertion voient petit à petit le jour et c’est pourquoi les tigres présents dans les zoos sont contrôlés génétiquement afin que leur souche soit la plus pure possible. Le Zoo de Servion a reçu son premier couple en 1981. Il a donné naissance à deux femelles en 1988 qui vivront pendant plus de 15 ans au sein du Zoo. En 2003, le Zoo accueille un nouveau couple de jeunes tigres: Zeus, le mâle et Tinka, la femelle.
Tinka a une histoire un peu particulière. Il s’agit d’une tigresse née dans un zoo norvégien. Sa mère n’ayant pas assez de lait pour la nourrir, l’un des gardiens parviendra à la sauver en la nourrissant au biberon. Et chose extraordinaire chez les animaux sauvages, la mère de Tinka acceptera la présence du gardien auprès de sa progéniture tout en continuant malgré tout de s’occuper d’elle afin qu’elle garde le contact avec les siens. Cette situation est spéciale, car l’instinct des animaux veut que lorsque les bébés ont un contact avec l’homme, la mère les abandonne ou alors les emmène dans un endroit inaccessible afin de les protéger. Cette spécificité de Tinka fait d’elle un tigre très calme avec l’être humain. Roland Bulliard décrit la situation ainsi: «Je ne me permettrais pas d’entrer dans l’enclos, mais si je l’appelle elle vient et se laisse caresser à travers le grillage.» Restant tout de même un tigre parmi les tigres, il est primordial de rester constamment sur ses gardes.
Dans son pays, il s’agissait d’une vraie star. Roland Bulliard se rappelle avec plaisir le jour de son départ de Norvège. Les journalistes, la radio, la télé, tous étaient présents afin de dire au revoir à celle qui a été leur mascotte. L’engouement était tel que 5 ans plus tard, un journal décide de conclure l’histoire de Tinka en accompagnant son gardien venu lui rendre visite à Servion. Après quelques minutes d’hésitation, Tinka l’a reconnu au son de sa voix et elle n’a pas pu s’empêcher de lécher les mains de l’homme qui, quelques années auparavant, lui avait sauvé la vie. Cette rencontre fut émouvante pour tout le monde et c’est dans cet esprit que le gardien s’est accordé quelques moments privilégiés en compagnie de Tinka dans un box à l’abri des regards.
A son arrivée au Zoo en 2004, Tinka fit la connaissance d’un superbe mâle: Zeus. Un mâle très imposant et caractériel avec lequel le courant ne passera malheureusement pas. Leurs deux caractères étaient incompatibles et il était possible d’observer des signes d’agressivité de la part de Zeus vis-à-vis de la femelle. Afin d’éviter tout risque de blessures ou pire, le Zoo de Servion décida de changer de mâle. Zeus trouva un foyer dans un grand parc français dans lequel il découvrit une femelle avec qui il vit en totale harmonie. Quant à Tinka, elle eut le plaisir de faire la connaissance d’Oural, un mâle autant calme qu’imposant débarquant tout droit de Jurques en France avec lequel le courant passe très bien. Une seule ombre à ce tableau idyllique: après trois portées qui se sont révélées infructueuses et même dangereuses pour la santé de la femelle devant subir à deux reprises une césarienne, la nouvelle est tombée: Tinka souffre d’un problème physiologique l’empêchant de mener une portée à terme. En accord avec le vétérinaire, la décision a été prise de la stériliser. Malgré cela, les deux tigres s’entendent à merveille, ils n’hésitent pas à se taquiner, se chamailler et se câliner devant les yeux ébahis des spectateurs.