Des femmes, des hommes et des passions: Alain Gilliéron, un passeur
Nathalie Michlig | C’est au cœur des terres du Jorat qu’Alain Gilliéron a grandi et y vit encore aujourd’hui. Une maison familiale depuis 300 ans, sise à la croisée des chemins au centre du village de Ropraz, appelée en son temps chambre ou pinte à boire. Une mission d’accueillir le pèlerin d’où il vient comme il nous le raconte. Une enfance de labeur, entre un père buraliste postal qu’il aidait en distribuant le courrier, puis à l’épicerie, au restaurant et à la ferme. Cependant, il se souvient de moments d’évasion totale lorsqu’il allait tondre le gazon au château et se baigner dans la piscine. Il découvrit alors un univers fascinant, celui des arts, nourrissant sa curiosité et sa sensibilité, formant son regard et son esprit au fil de son adolescence. Entre collections de papillons et de bateaux, il devint modèle avec son frère pour le peintre châtelain Ricco Wassmer. Alain Gilliéron, mélomane, fut initié à l’opéra par sa grand-mère maternelle habitant Vérone. Il découvrit le ballet et rêva d’être danseur. Comme il nous le dit « on est amené à faire des choses que parfois on ne maîtrise pas ». C’est ainsi qu’il reprit l’enseigne familiale avec sa tante, en jeune trentenaire qu’il était, et qu’il rencontra la boulangère de son cœur, Catherine.
Alain Gilliéron, homme entier et passionné, autodidacte et déterminé, guidé par ses tripes, par son cœur. Généreux. Son cheval de bataille depuis près de 30 années: vouloir transcender l’injustice et la bêtise. Il lui tient fort à cœur de semer des graines d’autres possibles de réflexion par le biais de l’art, et inviter ainsi à un autre regard sur les gens, la vie, l’être humain. Citant Socrate « on a besoin des yeux de l’autre pour se découvrir ».
Ropraz, terre fertile pour les artistes. Il se remémore les moments partagés avec Jacques Chessex, qui fut un ami, un maître. Il nous parle aussi de Jenny de Beausacq, artiste du cru tissant inlassablement, qui fut le déclic pour créer un espace dédié aux arts et exposer posthumément le savoir-faire de la tisseuse. C’était en 1989, cinq années après avoir repris le restaurant familial. Sont étroitement liés, son activité de restaurateur et la concrétisation de ce projet. «L’Estrée» ainsi nommée est donc le fruit de toutes sortes de rencontres, qui l’ont inspiré et auprès desquelles il apprit. Qui de mieux pour ouvrir et semer des graines d’autres possibles dans le regard et l’esprit du néophyte qu’un artiste. Sont invités à exposer ceux qui vivent pour leur art sans concession. Des artistes qui laisseront une trace dans l’histoire, qui sont la mémoire d’un temps. Alain Gilliéron honore leurs talents, se décrivant comme, un relais entre l’artiste, l’œuvre et le public, un passeur. En perpétuel questionnement, en quête de sens. Intransigeant, perfectionniste.
Que ce soit au café de la Poste ou à L’Estrée, Alain Gilliéron idéaliste et altruiste, rassemble des personnes de tous horizons et de toutes nationalités. Depuis cinq ans maintenant, il se consacre essentiellement à L’Estrée, devenue une fondation, ayant remit le café de la Poste à son fidèle sommelier venu des balkans depuis plus de 25 ans. Il a mis sur pied, en partenariat, un spectacle itinérant estival appelé Transvaldesia, mettant à l’honneur des textes d’auteurs d’ici et d’ailleurs. L’Estrée, une galerie, un joyau au cœur du Jorat, une fourmilière artistique, entre expositions et concerts, théâtre et soirées littéraires. Et comme qui dirait, une bien nommée de la RTS, enculturez-vous!
Infos et réservations 021 903 11 73 ou www.estree.ch