Denrées alimentaires : on ne résoudra rien en tapant sur le mauvais clou
Guy-Philippe Bolay, député, Lutry | Pour les Jeunes socialistes (JUSO), la bourse est coupable! Coupable d’alimenter la faim dans le monde et de saigner les paysans. Ils nous proposent donc d’interdire à des entreprises suisses d’utiliser les outils boursiers sur les produits alimentaires. C’est à la fois faux et naïf. L’immense majorité des produits agricoles est consommée près du lieu de la production. Seule une faible partie du blé, du riz et du sucre se retrouve sur les marchés internationaux. Prenons le riz, sur 495 millions de tonnes produites en 2014, 45 seulement ont été exportées, selon les chiffres de l’ONU. Qu’est-ce que cela signifie? Tout simplement que les problèmes alimentaires sont avant tout locaux. Pour les combattre, il faut s’attaquer d’abord au manque d’irrigation, à la résolution des conflits ou à l’amélioration du réseau de transport.
La Suisse s’engage, et continuera à s’engager avec détermination, dans des projets à long terme au titre de la coopération au développement et en participant à des opérations internationales d’aide humanitaire d’urgence lors des crises alimentaires.
Pour lutter contre la faim, il convient d’appliquer des solutions qui ont fait leurs preuves:
– améliorer l’accessibilité aux produits alimentaires, afin de mieux lutter contre les situations de sous-nutrition, en encourageant les investissements (notamment privés) dans l’agriculture, la formation des agriculteurs (notamment les petits producteurs dans les pays en voie de développement);
– développer des programmes de lutte globale contre le gaspillage (selon la FAO, chaque année un tiers de l’ensemble de la production de nourriture humaine dans le monde est gaspillé, tout au long de la chaîne de consommation);
– augmenter les investissements directs et ciblés pour améliorer la qualité des infrastructures étatiques et des circuits de distribution (y compris, les entrepôts d’Etat).
Il faut donc continuer dans cette voie, plutôt que s’attaquer à la place financière suisse par des mesures inadéquates et inefficaces. Il est en effet illusoire de penser que la Suisse pourra à elle seule régler un problème international. Une telle réglementation à l’échelle nationale n’aurait en effet aucune incidence sur les marchés internationaux. Mais elle porterait en revanche préjudice à un pan important de notre économie. Le secteur du négoce des matières premières représente en effet près de 4% du produit intérieur brut et emploie plus de 10’000 personnes en Suisse, dont une large partie sur l’arc lémanique.
Il faut dire clairement NON à cette initiative des JUSO qui reviendrait simplement à se tirer une balle dans le pied en poussant les entreprises installées en Suisse à déplacer leurs affaires à l’étranger.