Carnet de voyage
Le pont sur la rivière pas-Kwaï
Je suis partie avec 4 collègues en direction du nord de la Jordanie. On a remonté la vallée du Jourdain, le fleuve devenu petit ruisseau qui fait frontière avec Israël. Mais de l’eau, je n’en ai pas vu… seulement des barrières, du barbelé des check-points. La vallée du Jourdain reste verte malgré tout, et cela à cause de la nappe phréatique souterraine. Ici, ils disent que c’est le garde-manger de la Jordanie: c’est vrai partout on voyait des tomates, des concombres, des aubergines, des oliviers. Je crois qu’on y trouve des oignons et des citrons aussi. En fait tout ce qui constitue la salade arabe typique. Mais la vallée du Jourdain, c’est aussi devenu le terrain de jeu d’autres types de choses… Toutes les multinationales du genre Syngenta et consorts. Pourquoi? Parce que la Jordanie n’a pas de législation concernant les OGMs… donc ils testent ici – No comment. Au bout de la vallée au nord, on voit le plateau du Golan, qui a été disputé lors de toutes les guerres. Revendiqué par Israël et la Syrie c’est un point très stratégique car on y voit toute la région. C’est aussi là que se trouve le lac de Tibériade, duquel part le Jourdain. Quand on connaît la pauvreté en eau de la région, on comprend mieux. On a continué à longer la frontière, je me sentais observée à juste titre. Du haut des falaises, on distinguait des gardes armés qui veillent. Au fond de la vallée, soudain, on a pu voir le fleuve Yarmouk, et son pont. Ce pont-là, je ne vais jamais l’oublier. Un témoin de l’histoire, tout comme le pont sur la rivière Kwaï, dynamité pour montrer, un peu plus, le fossé qui peut se créer entre des hommes pourtant pareils.
Umm Qais comme un échiquier
Après l’épisode Kwaï, notre voyage nous a fait toucher la Syrie, puis on est monté en direction d’Umm Qais, le but de notre périple. Umm Qais, qui veut dire «mère de Qais», c’est un village où se trouve un site archéologique superbe, et méconnu, si ce n’est par les spécialistes de la Bible. En effet, on prétend que Dieu y a fait des miracles. Ce lieu a vu passer à peu près toutes les religions et tous les peuples, c’est assez extraordinaire. A chaque fois, les bâtiments sacrés ont été recyclés et adaptés à la religion qui prévalait. D’abord les Grecs, puis les Romains, les Nabatéens (les mêmes qu’à Pétra pour ceux qui ne se souviennent plus), puis les juifs et aussi les musulmans… Et maintenant, c’est la religion touristique qui continue le mélange des cultures. Sur le site, on croise toutes les religions et nationalités; au final on se retrouve tous au superbe petit restaurant pittoresque. Enfin plus que pittoresque, presque un monde à part. Au milieu des vestiges, une immense terrasse, des nappes blanches et quelques arbustes roses; on est servi comme des rois par des arabes qui parlent anglais bien mieux que ceux d’Amman. Pour décrire notre vue, je peux utiliser une image, celle de l’échiquier. Umm Qais est faite de basalte et de grès, c’est-à-dire de roches blanches et noires. Et nous voilà devenus des petits pions dans ce vaste chaos de colonnes, pavés et poussière… Moi je reste touchée par ce lieu rempli d’histoire. Echec et mat.