Barbare
Georges Pop | A chaque abjecte tuerie commise par le groupe Etat islamique ou ses obscènes acolytes, en Europe, en Afrique au Proche ou au Moyen-Orient, on voit méthodiquement ressurgir le mot barbare pour qualifier les bains de sang monstrueux dont cette souillure de Dieu se repait régulièrement. Il est intéressant de relever que le sens de barbare a passablement évolué des origines à nos jours. Le mot naît en Grèce, dans l’antiquité, pour désigner tous ceux qui ne sont pas de culture grecque et ne parlent pas un idiome hellénique. Lorsque les anciens Hellènes entendaient des étrangers parler un charabia pour eux incompréhensible, ils les imitaient par onomatopée en débitant le son bar bar bar… D’où le mot βάρβαρoς (bárbaros) qui voulait simplement dire étranger, avec peut-être une petite connotation culturellement méprisante. Il n’était cependant en aucun cas synonyme de sanguinaire ou d’inhumain. D’ailleurs chez les Grecs – comme chez les Romains qui adoptèrent le mot barbarus pour désigner les peuples qui vivaient en dehors des limites de l’empire – un barbare qui adoptait leur langue et leurs us et coutumes quittait automatiquement son état de barbare pour devenir Grec ou Romain. Il fallut attendre les Humanistes italiens du XVIe siècle qui redécouvrirent les textes anciens pour voir le mot évoluer. Ces nouveaux érudits attribuèrent un peu sommairement aux tribus germaniques, venues du nord et de l’est la destruction brutale de la civilisation gréco-latine et donnèrent au mot barbare cette connotation très péjorative qu’on lui connaît aujourd’hui : arriéré, bestial, brutal et implacable. D’ailleurs le mot barbare fut largement utilisé par la propagande militaire française pour désigner les Allemands pendant la première guerre mondiale ; et ils furent largement imités par les alliés pendant la seconde pour qualifier les Nazis et les Japonais responsables d’exterminations et de massacres à grande échelle. L’occasion de se souvenir en compulsant notre histoire récente que les hideux égorgeurs de Daesh n’ont malheureusement pas le monopole de la barbarie…